La montagne est, pour beaucoup, un terrain de jeu qui inspire la liberté et les grands espaces. Nous ne devons pas oublier qu'au-delà de cette apparence c'est aussi:
Un lieu de travail
Un milieu à risque parfois très hostile aux humeurs changeantes.
Un milieu nécessitant des qualités physiques et morales
Tout ceci implique le respect de certaines règles élémentaires qui ne sont pas forcément écrites ou réglementaires qui tiennent compte de ces quelques principes: nul n'est à l'abri d'une erreur ou d'une défaillance humaine, technique, matérielle ou naturelle. C'est ce que nous pouvons appeler le risque, qu'il soit de nature:
Objectif: provenance d'un fait matériel
Subjectif: provenance du fait de la personne tel qu'une défaillance physique.
Face à ces risques, les pratiquants de la montagne ont toujours essayé de trouver des solutions pour se secourir sur la base de la solidarité.
Nous allons essayer de voir l'évolution de cette solidarité montagnarde au travers des temps en le rapportant à la situation spécifique des Pyrénées.
Les hommes ont toujours vécu en montagne. Ils ont toujours cherché à passer d'une vallée à l'autre, à échanger, etc... Il y avait aussi les messagers, les bergers et les chasseurs
(pas toujours la chasse de loisir). Toute cette activité se faisait dans un milieu hostile avec des moyens nettement moins adaptés que les nôtres aujourd'hui. Le passage des cols a
toujours été le théâtre de récits remarquables parfois glorieux.
Les romains ont été les précurseurs dans la création d'hospices à proximité des cols. Puis ce sont les moines qui reprirent cette activité. Les légendes autour de ces bienfaiteurs
ne manquent pas. Les hospices pyrénéens sont bien connus même si beaucoup ont disparu comme au Somport. Les moines étaient organisés pour venir en aide, été comme hiver, aux
voyageurs et pèlerins en difficulté. Ce sont là les premiers secours solidaires.
Avec l'apparition de l'alpinisme sous une forme de loisir et de découverte au cours du XIXème siècle, les pratiquants s'organisent pour assurer entre eux une certaine solidarité
pour se secourir. Le secours en montagne (sans que le terme ne soit utilisé) naissait sous une forme de solidarité et non de service public. Tous les pratiquants, qu'il s'agisse de
guides ou de membres de clubs participaient aux recherches et secours avec beaucoup de dévouement.
Mais c'est au début du XXème siècle que l'on voit naître une véritable organisation du secours. C'est en 1910 qu'est créée la première Compagnie de Secours des Sociétés alpines
Dauphinoises à Grenoble. Bien souvent ces compagnies (ou "sociétés") étaient composées d'acteurs du tourisme tel qu'hôteliers. Déjà à cette époque, le tourisme et la pratique de la
montagne étaient très liés. Les acteurs du tourisme tenaient à la sécurité de leurs clients. Dans les années 30, Félix Germain améliore la technique et le matériel. Pendant ce
temps, dans les Pyrénées, se créent les sociétés de secours en montagne dans les Pyrénées-Orientales (Perpignan et Prades), dans l'Ariège, dans la Haute-Garonne (Luchon), dans les
Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. Les bénévoles recrutés autant dans les clubs de montagne que parmi les habitants des villages sont prêts à tout moment pour intervenir
avec les moyens de l'époque.
Ces sociétés ont presque toutes encore une existence légale même si elles n'ont plus aucune activité. Dans les années 1970 elles étaient encore propriétaire de matériels mis à
disposition des unités spécialisées des CRS et des PGHM.
La professionnalisation des secours est partie de la mort tragique de Vincendon et Henry au Mont-Blanc en décembre 1956. Ces deux jeunes alpinistes ont agonisé pendant des jours en étant les victimes d'une organisation défaillante qui donnait ordres et contre-ordres. C'est à ce moment qu'il est apparu la nécessité d'une organisation sérieuse et que les pouvoirs publics ont pris l'affaire en main alors que, jusqu'à maintenant, il ne s'y était jamais intéressé, le principe de la solidarité montagnarde étant la règle.
C'est par une instruction ministérielle du 21 août 1958 que les Préfets les responsables du secours en montagne dans leur département. Ils coordonnent un ensemble de secouristes
habilités par l'état (Gendarmerie, armée, sécurité civile, police nationale et parfois les guides de haute montagne). Dans les Pyrénées, dans certains départements, le Président
de la société de secours en montagne ou son représentant devient le conseiller technique bénévole du préfet avec un rôle consultatif.
Actuellement, même si les Sociétés de Secours en montagne n'existent plus, certains préfets ont toujours un conseiller technique qui lui est attaché et qui n'est pas issu des
unités opérationnelles.
Bien souvent, CRS et gendarmes se partagent le service en alternant les semaines (alertes et entraînements). C'est à partir de 1958 que les premiers PGHM (Peloton de Gendarmerie de
Haute Montagne) voient le jour.
C'est en 2003 qu'apparaissent officiellement les pompiers dans le plan de secours des Pyrénées-Atlantiques.
C'est au cours de l'accident tragique de Vincendon et Henry durant l'hiver 1956-57 que les premiers hélicoptères apparaissent. Des appareils Sikorski encore expérimentaux dont un
s'écrasa. Par la suite, c'est l'Alouette 3 qui est choisi à la fin des années 1960. mais ce n'est qu'en 1967 qu'elles sont équipées de treuils mécaniques. Mais l'hélitreuillage ne
deviendra systématique qu'à partir de 1970 environ (selon les unités)
Le premier treuil en paroi apparaît dans le même temps. Fabriqué par un lourdais, Bernard Ballarin (membre du CAF de Lourdes) et récemment entré au PGHM de Pierrefitte il conçoit
un treuil facile à transporter avec cordes (le treuil Ballarin).
C'est le professeur Lareng du SAMU de Toulouse qui a eu l'idée de médicaliser les secours en montagne au début des années 1970. Cette médicalisation devient pratiquement systématique à partir de 1973 avec la présence d'un médecin urgentiste du SAMU, spécialisé dans le secours en montagne.
Alors qu'au départ (il y a encore 50 ans), le secours en montagne était une affaire de solidarité entre pratiquants de la montagne, il est aujourd'hui une affaire de professionnels
mais surtout un service public au profit des usagers de la montagne.
Nous sommes passé d'une mentalité de pratiquants organisés à une mentalité d'usagers consommateurs où certains estiment que les secouristes ont une obligation de résultat et pas
seulement de moyens sans se soucier du rapport "conditions du milieu / efficacité".
De ce constat découle des conséquences tel que:
Autres éléments majeurs et déterminants: le droit et la jurisprudence.
Le comportement des magistrats se basant strictement sur le droit et ayant une appréciation par rapport aux jugements similaires dans des milieux moins exposés (par exemple,
escalader une échelle ou la face nord du Vignemale) font que nous parlons plus de droit que de devoir. La notion de risque tout court sans même parler de risque librement accepté
par toutes les parties concernées, exclu cette notion de solidarité entre personnes prenant les mêmes riques et les comprenant.
Chacun pour soi, tel est la devise, surtout en situation de difficulté. La solidarité et la notion de responsabilité de la cordée est devenue accessoire.
L'esprit "randonneur", pour ne pas dire touriste, a pris le pas sur la notion "alpiniste". Chacun se la joue "perso" sans grand soucis de l'autre. La montagne est un terrain de jeu
comme un parc d'attraction où tout est dû: le confort du refuge, le bon repas, des prix attractifs, des chemins bien balisés et bien entretenus, la sécurité partout, etc.... Au
rythme d'évolution de ce comportement, il faut s'attendre à ce que des baliseurs et des auteurs de topos voient leur responsabilité engagée. Les pratiquants ne veulent pas
apprendre, ils veulent qu'on leur fasse tout, qu'on leur dise tout et... gratuitement pour consommer immédiatement puis aller voir ailleurs. Le pire est que les acteurs du tourisme
(parfois de la montagne) tel qu'Offices de Tourisme, gestionnaires de gîtes (parfois de refuges), collectivités locales, etc.. rentre dans cette spirale infernale de l'assistanat
du moindre "gogo" (environ 80 % des interventions sont le fait de randonneurs ou promeneurs) qui n'a, le plus souvent, aucune idée de la notion de sécurité, responsabilité et
solidarité.
Est-ce normal?
La formation existe, dans un milieu fédéral (FFME, FFRP, FCAM) qui ne touche pas le tiers des pratiquants. L'usager actuel se moque royalement de ces structures alors qu'il y a
encore 30 ans, le club était la base de la formation etd e l'éducation au milieu montagnard. Nous voyons même apparaître des "apprentis" accompagnateurs en montagne qui n'ont aucune
notion de ce que peut être la montagne. ils viennent là, parfois envoyés par des organismes comme l'ANPE ou l'agence pour l'emploi, comme s'ils allaient passer un CAP de plombier ou
de serveuse dans la restauration.
Est-ce normal?
L'information sécuritaire est surtout perçue en terme d'interdits et d'ordres sans grands soucis éducatif et formatif. La réflexion n'existe pas. Pourquoi?
Chacun y va de son conseil, de son expérience personnelle, pas toujours des meilleures, en focntion de ses intérêts socio-économiques.
Est-ce normal
Jusqu'où irons-nous?