Trop zélés les gardes du parc du Mercantour? Un second procès-verbal, 135 euros cette fois, dressé dimanche dernier et toujours non loin de Saint-Dalmas-le-Selvage provoque quelques incompréhensions. Cette fois, il ne s'agit pas comme en juillet dernier de la célébration d'une messe mais plus prosaïquement de sanctionner un randonneur trop curieux. Cependant l'histoire avait également commencé dans ou vers les cieux. «Avec ma compagne nous avions pris la précaution de rester sur l'itinéraire autorisé, la route goudronnée après Saint-Dalmas-le-Selvage», raconte Alain de Denaro.
Ce dernier avait résisté à la tentation de ramasser quelques framboises. Et après environ deux heures de marche, l'inattendu s'est produit près du vallon du Jas d'Elve: «J'ai aperçu un vol magnifique, majestueux. À 100 m de nous et de la route, des vautours moines arrivaient. Et puis soudain le premier s'est stabilisé et s'est laissé tomber, comme avec un parachute pour se poser tout près. Nous avons pu assister ainsi à l'arrivée de 18 vautours». Alain de Denaro est saisi par un tel spectacle: «On ne le voit qu'à la télé». Et le randonneur qui s'était éloigné de la montagne depuis deux ans est sous le charme. Lui qui avait réservé des audioguides afin de rendre la balade plus instructive profite du cadeau. D'autant plus que les audioguides ne lui avaient pas été remis.
Il est tout à la fois dans la contemplation des vautours et dans l'excitation: «C'est vrai, je n'ai pas pu résister, la curiosité a été la plus forte et je me suis approché. J'aurais regretté de ne pas aller les voir. Et puis les vautours nous avaient parfaitement repérés». Mais lorsqu'il se trouve à 50 m, les charognards délaissent la carcasse de mouton qui les avait attirés et s'envolent. «Je n'avais pas l'impression de les déranger mais je me suis éloigné et les oiseaux sont revenus peu de temps plus tard sur la carcasse». Ravi par le spectacle qui vient de lui être offert, le randonneur rejoint sa compagne restée sur la route et reprend sa marche. L'objectif est de pique-niquer un peu plus loin. «J'avais bien vu quelque chose briller au loin», se souvient ce Niçois qui n'y avait pas prêté une attention particulière jusqu'au moment où il aperçoit deux gardes qui s'approchent. Et cette fois, c'est lui qui devient la proie puisqu'il avait été épié avec des jumelles.
L'entrevue reste cordiale mais se solde par un procès-verbal à 135€ qui sanctionne un «trouble volontaire de la tranquillité des animaux au cœur d'un parc naturel». Les gardes se font remettre les deux plumes ramassées par le randonneur, vérifient que son véhicule est bien garé en dehors des limites du parc. Alain de Denaro ne conteste rien: «Cela n'a pas gâché notre journée». Mais ce sportif s'interroge un peu: «Je n'ai pas dérangé cette espèce sur son lieu de nidification, je suis respectueux, attentif mais la montagne reste pour moi un espace de liberté. Garde dans le parc, voilà un métier de rêve que je ferais bien… mais je n'alignerais pas. Peut-être que je suis moi-même une espèce en voie de disparition, l'un des rares ainsi verbalisé.»
Mais le randonneur trop curieux peut aussi bénéficier d'une protection. Hier Alain de Denaro a appris que son amende allait être traitée avec la plus grande indulgence à la suite d'une double intervention menée par le maire de Saint-Dalmas-le Selvage, Jean-Pierre Issautier et le président du parc. Fernand Blanchi a évoqué hier soir «une maladresse» qui a été réglée par une simple concertation avec le directeur du parc.
Source: Nice-Matin du 17 août 2012