Un noble révolutionnaire redoutable. Ca existe!
Bertrand Barère de Vieuzac est né à Tarbes face à l'église Saint Jean. Il est décédé 200m plus loin dans le quartier du Maubourguet. Bertrand BARERE (on l'appelle comme ça: ça fait plus républicain sans la particule) fut député du Tiers-Etat en 1789 et élu Conseiller Général sous Louis-Philippe de 1834 à 1840.
Il a fait ses études de droit à Toulouse. Petit géni, il a dû obtenir une dispense car il n'avait que 14 ans. Par la suite il devint avocat, mainteneur des jeux floraux et rentre à la loge maçonnique L'Encyclopédique. Il revient à Tarbes où il inspire les cahiers de doléances en 1789 puis se fait élire député au Tiers-état car la petite seigneurie de Vieuzac-Argelès ne donnait pas accès à la Noblesse.
Il publie le Point du Jour sous la Constituante et plaide devant le comité de division des départements la création des Hautes-Pyrénées dont le nom fut imaginé par Pinteville de Cemon, un noble champenois, avec pour chef-lieu, Tarbes.
Bertrand Barère avait écarté toute idée de rattachement de la Bigorre au Béarn en invoquant le fait que "les deux nations sont trop séparées par les moeurs et une sorte d'antipathie qui rendront à jamais toute liaison impossible".
Il est surprenant qu'à cette époque on parle de "nation" et non de "peuple" pour distinguer deux provinces. Quant aux moeurs on peut se demander aujourd'hui desquelles? Doit-on attribuer ces paroles à un excès politique pour obtenir un département sur une seule région? Si la Bigorre avait été rattachée au Béarn, il est probable que la position du Pays-Basque aujourd'hui eut été très différente. Mais les Basques ne demandent-ils pas, encore aujourd'hui en 1999, la création d'un département Basque et d'une région "Pyrénées" indépendante des trois régions actuelles? Apparemment, le débat existe depuis dix siècles.
Avec ses talents d'orateur, Bertrand Barère atteint le plus haut niveau du pouvoir de la Convention. Il devient rapidement un membre redouté du Comité de Salut Public. Ce qui ne l'empêcha pas de connaître une période (assez courte) de captivité et une clandestinité sous le Directoire. Sous la Restauration, un exil de 15 ans s'imposait engendrant une rupture définitive avec son épouse, la jeune aristocrate Elisabeth de Monde, de Vic.
Lorsqu'il présida la Convention, il mena l'interrogatoire de Louis Capet et obtient la majorité pour prononcer la peine de mort sans sursis.
Il fut chargé des Affaires Etrangères sous la Convention Montagnarde, "la Terreur à l'ordre du jour", lorsqu'il rédige ses "carmagnoles" pour annoncer à l'assemblée les victoires de l'An II. C'est lui qui demande la mise en jugement de la Reine et la destruction des tombeaux royaux de Saint-Denis. Grâce à son influence auprès de Monestier de Clermont (encore un Noble), il se débrouille pour protéger son clan tarbais où il n'y aura que 6 exécutions (un détail de l'histoire diront certains).
En juillet 1794, il proclame "il nous faut des lois, non du sang" et il participe activement à la chute de Robespierre le 9 thermidor. Opportuniste dans l'âme, il parait qu'il avait préparé deux discours: un plaidoyer et un riquisitoire contre l'Incorruptible. On sait qu'il prononça le réquisitoire.
Toutes ces manoeuvres ne l'empêchèrent pas d'être condamné à la déportation en Guyane. Mais il parvient à s'évader et à se cacher sous le Directoire. Il va jusqu'à offrir ses services à Bonaparte qui l'ignore. On pourrait dire que le temps des "faux culs" étaient terminés en même temps que son destin national. Il vit de petits boulots comme des traductions, il vend sa ferme de Sarrouilles et l'abbaye de Saint Lézer qu'il avait acquit comme bien national en assignats (Bien mal acquit....). Il doit s'exiler en Belgique. Plus personne ne s'intéresse à lui sauf quelques chroniqueurs qui le considérant comme "un monument vivant de la Révolution" que de nombreuses têtes auraient bien voulues ne pas connaître. Il est néanmoins un des rares révolutionnaires ayant conservé la sienne.
C'est Louis-Philippe, fils de son ancien ami Philippe-Egalité, qui l'autorise à revenir à Tarbes avec Marguerite Le Fauconnier, leur enfant et une rente annuelle de 3 000 F. Il ne put que constater que le clan familial en avait profité pour le spolier. Il n'avait pas perdu le goût de la vie publique en s'intéressant aux problèmes locaux. Il fit un rapport sur l'économie locale et, visionnaire, un autre sur l'urbanisme de la ville de Tarbes pour l'an 2000. Il serait intéressant de comparer la vision et la réalité. Toujours aussi visionnaire dans La Liberté des Mers il écrit au sujet de l'Europe "Ce continent si éclairé par les lumières du siècle doit un jour être soumis aux décrets d'une grande assemblée européenne".
Une telle vision éclairée et réaliste devait-elle passer par autant de sang d'innocents?
Il mourut à Tarbes en 1841. Ses Mémoires furent publiés par Hippolyte Carnot et David d'Angers. En 1889, une souscription fut lancée pour ériger un monument en sa mémoire. Les Tarbais ne furent pas dupes. Elle rapporta tout juste de quoi placer sur sa tombe un moulage de sa statut par David. Tarbes lui dédia quand même une avenue face à la gare. La Société Académique remplaça la plaque posée sur sa maison natale en 1994 en ne retenant pour l'histoire que "promoteur du département" et non "l'Anacréaon de la guillotine".
Aujourd'hui il n'aurait ni plaque ni effigie. Il serait tout simplement traduit devant un tribunal pour crime contre l'humanité. Autre temps, autres moeurs...
Hommes et Femmes célèbres des Hautes-Pyrénées
de Christian Crabot et Jacques Longué
Ed. Bonneton
ISBN: 2-86253-166-9
Hautes-Pyrénées - Bigorre plus vraie que nature
Collectif d'auteurs dont Renaud de Bellfon, Christian Crabot, JF Le Nail, JF Soulet, Robert Vié
Ed. Bonneton
ISBN: 2-86253-225-8
Histoire de Tarbes
D'un collectif d'auteurs sous la direction de J.-B. Laffon et J.-F. Soulet
Ed. le Livre d'histoire, collection dirigée par M.-G. Micberth
471 pages - ISBN 2-84435-090-9 - ISSN 0993-7129
Tirage limité et numéroté à 240 exemplaires
Dépliant de présentation de l'exposition à Tarbes - septembre / octobre 2005