Jusqu'ici, ces rapaces faisaient oeuvre utile. Croque-morts des montagnes, ils se nourrissaient de cadavres d'animaux. Des éleveurs les accusent d'être devenus des tueurs
Ils sont environ deux cents vautours à converger vers Ilharre, une commune située à une quarantaine de kilomètres à l'est de Bayonne dans le piémont pyrénéen. Ils virent avant d'atteindre la ferme d'Alain Larralde et fondent sur ses vaches qui broutent en contre-bas, dans le dévers d'une prairie. En ce vendredi 11 mai, la panique s'empare du troupeau. La nuée noirâtre s'abat sur une blonde d'Aquitaine de 800 kilos qui aurait dû vêler au mois d'août.
Jean Mendiburu, Basque sec et grisonnant, a tout vu. Son exploitation domine celle de Larralde. Il se précipite chez son voisin avec son fusil. Les deux hommes arrivent trop tard. La curée a déjà commencé. Une quinzaine d'oiseaux s'affairent sur la carcasse. Les autres attendent leur tour. Chez ces rapaces, les plus affamés mangent en premier, ils attaquent par les parties molles, les yeux, la langue, la vulve... Après il ne reste que la peau et les os, le boulot du gypaète barbu, un autre vautour. Mendiburu tire en l'air sans émouvoir les volatiles en plein repas. Alain Larralde est catégorique: sa vache était en parfaite santé. Si c'est vrai, c'est bien le problème.
Huit fois sur dix, quand le vautour se déplace, c'est pour rendre service. La victime est une bête en difficulté ou malade. Pour les repérer, il garde un oeil sur les corbeaux,
infatigables maraudeurs, qui souvent sont les premiers à s'approcher d'un animal mal en point ou mort depuis peu. Charognard de stricte obédience, l'oiseau au long cou et à la
triste figure pâtit d'une image qu'il ne mérite pas. Là où il passe, le cadavre s'efface. C'est le Houdini du corps froid, un précis de décomposition inégalé. Ce paisible
croque-mort serait-il devenu un tueur sans pitié, un oiseau hitchcockien sanguinaire? Depuis quelques mois, la question hante les estives pyrénéennes, ces pâturages de haute
montagne. Des éleveurs l'accusent d'avoir blessé ou tué vaches, veaux, juments... Même l'homme ne serait pas à l'abri.
Le 11 juin, des randonneurs ont dû empêcher des vautours de s'approcher du corps d'un des leurs décédé d'une rupture d'anévrisme. Des événements qui surprennent les spécialistes.
Comment savoir si les vautours font oeuvre sociale ou commettent des meurtres?
Les agents de l'Office National de la Chasse et de la Faune sauvage ont enquêté sur 22 cas. Pour deux d'entre eux, il semble établi que les vautours ont aidé la nature. Ils ont blessé une jument qui venait de mettre bas un poulain mort-né. L'Institution patrimoniale du Haut Béarn a recueilli, depuis le début de l'année, 42 témoignages de "dommages au bétail par les vautours". Sans remettre en question la parole des éleveurs, l'administration reste prudente. Ses agents n'ont jamais observé de vautours se comportant comme des chasseurs. "Il y a 25.000 bovins et 80.000 ovins en montagne, remarque Xavier Horgassan, de l'office de la chasse, si les vautours avaient ce genre de pratiques, on devrait avoir beaucoup plus de cas."
Plus opportuniste, moins farouche, plus pressé, le vautour a évolué. En nombre: dans les années 1970, il avait presque disparu. Il était très craintif: "Il tournait une journée ou
deux au-dessus du cadavre avant de venir le manger. Maintenant, dès qu'il repère une bête en difficulté, il s'approche", note Augustin Médevielle, maire d'Aste-Béon et créateur de
la falaise aux vautours, Classé espèce protégée en 1976, il a été nourri jusqu'en 1997. Ce plan de sauvetage est une belle réussite. Près de 600 couples nichent dans les vallées.
Malgré l'arrêt des campagnes officielles de nourrissage, Xavier Peyrusqué, le garde du parc. n'observe toujours pas "d'affamures" sur les plumes, signe d'une carence alimentaire,
ni d'envolée de la mortalité. La faim ne serait donc pas à l'origine de comportements plus agressifs des vautours français. Du coup, les soupçons se tournent vers l'Espagne ou,
depuis six mois, les vautours n'ont plus rien à manger.
Explication: en décembre dernier, l'Europe a imposé l'équarrissage.
Un conteneur destiné à recueillir les cadavres trône maintenant devant les élevages. Fermeture des cantines. Les technocrates bruxellois ont oublié un détail:
les charognards ont prospéré comme de bons sous-traitants de l'élevage porcin industriel espagnol. Trente mille couples vivent dans la péninsule ibérique, dont 5.000 en Aragon,
c'est-à-dire à la frontière: "En Espagne, ils ont fait de l'élevage industriel de vautours, ça leur évitait défaire une usine d'incinération", résume Augustin Médevielle. Affamés
chez eux, les vautours espagnols viennent-ils se nourrir en France? Rien ne permet de l'affirmer. En attendant les résultats d'une étude de la Ligue de Protection des Oiseaux, la
position de l'administration française demeure intangible: "Le vautour est toujours une espèce protégée et aucune décision d'une éventuelle régulation de sa population n'a été
prise."
Auteur: Jean-Jacques Chiquelin
Source: Le Nouvel Observateur du 26 juillet 2007
Cet article résume assez bien la situation. Il faut néanmoins noter que la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) n'a jamais fait d'étude. Par contre, la LPO participe aux études du Parc National des Pyrénées. Il est assez surprenant qu'une organisation militante puisse participer de manière assidue et officielle à une étude d'un éblissement public. La CGT participe-t-elle aux études du Ministère des finances?
Pour ce qui est de l'homme mort, pourquoi ne pas croire ses compagnons. Sans même être mort, il est déjà difficile à une personne vivante de s'approcher du cadavre d'une vache sans que les vautours ne se fassent menaçant.
Nier cette évidence ou ne pas le connaître, comme la LPO, c'est faire preuve d'incompétence, ignorance ou mauvaise foi militante inacceptable lorsqu'on collabore à une étude avec un établissement public comme le Parc National ou un srvice de l'Etat.
Lorsque Xavier Peyrusqué laisse entendre au journaliste que la faim ne serait pas à l'origine de ce changement de comportement, dirait-il la même chose en 2009? De plus, nous voyons une nette différence de propos entre ce garde et les affirmations de la LPO. Qui croire?
Une chose est certaine aujourd'hui: les vautours n'ont pas peur de l'homme et ils s'attaquent bioen au bétail vivant quelque soit son état de santé.
Louis Dollo, le 30 août 2009