A l’occasion de l’émission d’information «La voix est libre» sur France 3 Midi-Pyrénées, Bruno Besche Commenge, porte-parole de la coordination pyrénéenne ADDIP était confronté à François Arcangéli, Conseiller Régional Europe Ecologie-Les Verts, maire d’Arbas et Président de l’ADET-Pays de l’ours. Débat animé par un journaliste et un politologue ayant une bonne connaissance du dossier ours, sur le thème de: "Ours: Stop ou encore?". Limité dans le temps, il est parfois difficile de tout exprimer avec précision. Bruno Besche Commenge revient sur les propos de François Arcangéli qui, en dehors du fait qu’il nie les évidences constatées sur le terrain, tient des propos mensongers ou fait des citations partielles alors qu’il détient les documents devant lui.
Bruno Besche Commenge apporte la preuve du mensonge et de la manipulation qui en découle pour influencer les téléspectateurs concernant les sondages de 2008 sur l’acceptation sociale de l’ours. Il aurait pu également mentionner les résultats de l’enquête publique de février 2011 encore plus accablant pour les écologistes. Bruno Besche Commenge cite d’autres erreurs ou mensonges notamment sur le PSEM et le nombre d’emplois créés grâce à l’ours.
"Ours, mesures de "protection" et ensauvagement"
En matière de protection des troupeaux, Bruno Besche Commenge rappelle les propos de L. Nédélec, aujourd’hui garde au Parc National des Pyrénées. Au sujet de la cohabitation impossible, il cite tout simplement un texte de l’Union Européenne et pour ce qui concerne la volonté et les objectifs d’ensauvagement de la chaine des Pyrénées, il se réfère tout simplement aux écrits de Luigi Boitani, Président de la LCIE qui participait à la rédaction du rapport du Muséum d’Histoire Naturelle. Nous retrouvons ce chercheurs / scientifique / spécialiste / écologiste idéologue dans de nombreuses publications qui ne laissent aucun doute sur les objectifs fixés pour l’avenir des Pyrénées.
L’émission, où je représentais l’ADDIP et M. Arcangeli l’ADET, a été conduite de façon très agréable et conviviale, et surtout par un journaliste et un politologue qui connaissaient bien le dossier.
Le «rôle de l’Etat» en était un chapitre important, et dans ce cadre le politologue Laurent Dubois est intervenu sur le thème: "l’Etat peut-il être traduit devant la cour européenne de justice?". Auparavant, le déroulement de la discussion m’avait conduit à rappeler l’article 22 de la Directive européenne «Habitats» qui encadre et fixe ce rôle de l’Etat. Elle est claire, les réintroductions ne sont pas obligatoires et, si les Etats membres en décident, ne peuvent avoir lieu qu’après avis "des populations concernées", ce qui n’est pas l’ensemble de la France, ni même des départements du massif, mais bien les gens qui devront subir la bête.
Cet avis est connu. Pour le «patrimoine», les Pyrénéens savent tous bien sûr que l’ours en est un élément, comme bien d’autres réalités de notre histoire, pages blanches et pages noires. Mais si parmi les animaux sauvages c’est lui qui «symbolise» le massif à 62% pour l’ensemble des habitants des départements pyrénéens comme le dit M. Arcangeli, il ment aux téléspectateurs, mensonge par omission, en «oubliant» d’ajouter qu’en réponse à la même question, les habitants des zones de montagnes, eux, ne disent oui qu’à 48%!
Pour les réintroductions par contre, comme j’y ai insisté, leur avis est totalement négatif, ils ne confondent pas les symboles et la réalité, voir ci-dessous les pages 4 et 29 concernées dans ce sondage:
M. Arcangeli, qui a le sondage sous le yeux lorsqu’il me répond, ment donc en toute connaissance de cause! Si les % de «non» sont plus faibles pour Aude et Pyrénées Orientales, c’est qu’à cette date les populations concernées n’étaient pas confrontées à la présence de l’ours. Depuis cela a changé, conséquence: dans la partie pyrénéenne de l’Aude (le Pays de Sault) une association s’est constituée qui a adhéré à l’ADDIP, et que je représentais aussi sur le plateau de FR 3.
La suite est pire.
Alors qu’en réponse aux propos de M. Arcangeli j’ai été obligé de parler de l’article 22 de la Directive Habitats avant la séquence dédiée à ce problème, le politologue de
l’émission intervient comme prévu pour dire la même chose que moi, pour une raison simple: oui, la Directive dit que les réintroductions ne sont pas obligatoires, et qu’il faut
l’adhésion des populations concernées si un Etat décide d’en faire. Là encore soit M. Arcangeli ment soit il ne connaît pas cette Directive! On comprend pourquoi il ment aussi à
propos du sondage: il lui faut faire croire que ces populations sont favorables à de telles réintroductions.
Il y a ainsi une foule d’autres ignorances ou mensonges dans ce qu’affirme M. Arcangeli. Je ne retiens que celui ou celle-ci (au choix), particulièrement inquiétant chez un élu du Conseil régional: il met en relation la présence de l’ours et la création de postes de bergers dans le cadre du PSEM (Plan de Soutien à l’Economie Montagnarde) qui vient en aide au pastoralisme pyrénéen. C’est totalement faux et là encore ce n’est pas moi seul qui le dit, mais l’Etat français lui même. Le "Plan d’action national loup" 2013-2017 adopté par les Ministères de l’Environnement et de l’Agriculture y fait en effet référence puisque sur certaines estives à l’Est de la chaîne les loups ont déjà frappé: dans les Pyrénées "un dispositif global de développement du pastoralisme à été élaboré: le Plan de Soutien à l'Economie de Montagne (PSEM) indépendant du plan ours, financé par le Ministère de l'agriculture et les Collectivités territoriales, qui inclut des mesures de protection des troupeaux." (page 12). Indépendant du plan ours M. Arcangeli, il suffit de lire!
J’ajouterai que le chiffre de 500 bergers qu’avance M. Arcangeli est n’importe quoi! Je réagis d’ailleurs physiquement au propos lors de l’émission, mais n’ai pas eu le temps de le reprendre. Non seulement il est exagéré, mais seul un tout petit nombre des bergers formés continue dans la profession. Sur les zones du Couserans où ont lieu la très grande majorité des attaques d’ours, certains, parmi les plus motivés pourtant, en place sur la même estive depuis plusieurs années, arrêtent parce qu’ils ne supportent plus de ramasser les brebis mortes et, pire, celles encore vivantes, les mamelles ou le sternum arrachés parce que c’est ce que préfère l’ours. Il faut alors les euthanasier en leur coupant la gorge au couteau.
Vous devriez venir vous y coller une fois ou deux M. Arcangeli, ça vous motiverait peut-être pour lire ce que disent réellement les documents que vous citez, ou cesser à leur propos de mentir.
Auteur: B. Besche‐Commenge – ASPAP/ADDIP - 1 mars 2014
Le plan de l’émission faisait le tour des problèmes de fond en accordant une place importante à la dimension politique, aspect central de «La voix est libre», d’où la présence d’un politologue. Mais cela obligeait aussi à être bref dans les interventions, ce qui n’est plus mal en obligeant à se centrer sur l’essentiel.
Après le dossier précédent consacré aux mensonges évidents de M. Arcangeli (cf. les documents cités dans ce dossier), un autre point tout aussi central demande des précisions. Il s’agit des mesures dites de protection et de leur efficacité. Là aussi, ce n’est pas mon avis que je donne. Je me base sur les travaux scientifiques, et non idéologiques, qui permettent de dire: très insuffisants et généralement inefficaces. Car là encore M. Arcangeli ou bien ne connaît pas ces travaux, ou ment avec une surprenante aisance.
Le reportage en Vallée d’Aspe qui accompagnait l’émission permet d’ouvrir ce dossier. Pour ces Pyrénées de l’Ouest, en 1989 déjà L. Nédélec, avait consacré son mémoire de fin d’étude à l’Ecole d’Agronomie de Rennes à «L’ours brun (Ursus Arctos) dans les Pyrénées Occidentales», sous deux aspects: l’évolution de la population, et l’étude de la prédation. Ce qu’il écrivait alors correspond toujours à la réalité:
"De toutes ces données, il ressort qu’aucun type de gardiennage n’est dissuasif quand l’ours a décidé d’attaquer même s’il préfère éviter la proximité humaine. Les patous, les clôtures électriques ne l’intimident pas." (p. 28).
Encore mieux, cette fois au niveau européen. Petra Kaczensky est une des spécialistes mondiales des grands prédateurs, experte reconnue et intervenante à ce titre dans tous les programmes LIFE Europe les concernant (voir par exemple le dernier «Large Carnivore Conservation and Management in Europe: The contribution of EC co-funded LIFE projects» de mars 2013). Difficile alors d’ignorer son avis. Dans la revue scientifique Ursus, elle a consacré en 1999 un article à une analyse de la prédation dans tous les pays d’Europe, sa conclusion est sans appel:
"Il n’y a pas d’exemple en Europe où des systèmes de pâturage extensif avec de faibles pertes cohabitent avec des populations viables d’ours et de loups dans le même espace." A propos de la mesure soi disant clef de protection des troupeaux, le parcage nocturne en clôture, la même auteure souligne qu’en Slovénie: «l’analyse des prédations montre de plus grands dégâts lorsque l’ours attaque des bêtes dans de telles clôtures que lorsqu’elles pâturent librement." (1).
Retenons les dates:
1989, 1999, tout cela était donc bien connu lorsqu’on lâcha dans le massif les ours… slovènes justement, en prétextant que les mêmes mesures dites de protection évitaient les
problèmes. Ils avaient chez eux l’habitude exactement inverse!
Enfin, pour revenir aux Pyrénées, l’avis d’un spécialiste asturien, Palomero García, expert au ministère espagnol et président de la Fondation Ours Brun (FOP) dans les monts cantabriques, lui aussi expert au niveau des rapports LIFE Europe. Venu en Aragon pour tenter d’y vendre l’ours aux éleveurs ovins réticents, il commença par souligner, très honnêtement lui: "la grande différence avec les Asturies, c’est qu’il n’y a pas d’élevage ovin", (III Jornadas de Debate Ambiental, Consorcio de Los Valles, décembre 2005). Pour la zone asturienne autour de Somiedo où sont les ours les statistiques de la principauté confirment: selon les années, pour les rares éleveurs qui ont encore brebis et chèvres, entre 9 et 21 bêtes, des poules au fond d’un jardin!
On comprend alors qu’il y ait beaucoup moins de problème! Mesures inefficaces ou, comme en Slovénie, qui augmentent les dégâts, effectivement la seule solution est de supprimer les brebis! C’est de fait ce qui est en traine de se passer sur les estives couserannaises ou l’ours sévit: de plus en plus écœurés, les éleveurs y conduisent de moins en moins leurs bêtes.
Le processus d’exclusion des hommes et d’ensauvagement du milieu que j’ai analysé dans l’émission est en train de se mettre en place très insidieusement. C’est exactement ce but que L. Boitani, autre expert européen, je le cite dans mes intervention, fixait aux grands prédateurs et là aussi dès les années 1990 (2):
"C’est la totalité du paysage qui doit être incluse dans les plans de gestion." (page 120). Et l’élevage n’était pas le seul visé, les activités touristiques étaient directement menacées, page 97, car "elles peuvent conduire à des effets négatifs sur les populations de grands carnivores."
Auteur: B. Besche-Commenge – ASPAP/ADDIP - 1 mars 2014
(1) Kaczensky, Petra., Large Carnivore Depredation on Livestock in Europe. Ursus 11:59-71. 1999.
(2) B. Giannuzzi Savelli, F. Antonelli, L. Boitani, Livestock subsidy systems in Europe and reform proposals to benefit large carnivore conservation. IEA - Istituto Ecologia Applicata/LCIE. Septembre 1997