Nous pourrions croire au paranormal lié à l’ours dans les Pyrénées. Le 30 avril 2006, dans les Hautes-Pyrénées, curieusement, nous avions eu les mêmes faits dans des lieux similaires: pots de miel, verre pilé, sur un itinéraire de passage avec une potentialité de trouver un ours à peu près nulle. Provocation? De qui? Du ou des mêmes? Imaginer que cette affaire est l’œuvre des éleveurs ou d’un chasseur, c’est assez peu probable. Que ce soit un bobo provocateur à l’origine de la mise en scène, cela est imaginable. Mais comme pour les Hautes-Pyrénées, pas de preuve, pas de coupable et une enquête de plus qui tombera à l’eau. C’est une habitude.
Le titre suffit à lui-même quand une certaine presse régionale de salons toulousains découvre avec près de deux semaines de retard une actualité malheureusement quasi quotidienne au fond des vallées pyrénéennes. Une recherche du sensationnel à une période de l’année où l’information fait défaut pour couvrir les colonnes d’un journal sans jamais analyser le fond de la problématique de l’acceptation sociale d’une contrainte imposée et du devenir des montagnes et des populations montagnardes pyrénéennes.
Que veut-on faire de ces montagnes? Un immense zoo pour écolos en mal d’existence ou un lieu de vie et de travail de gens qui, depuis des millénaires, occupent ces espaces et les entretiennent pour nous offrir les paysages et la biodiversité que nous connaissons et tant appréciés des touristes? Est-ce à des associations externes des territoires concernés venant de Paris, Marseille, Pau ou même d’Arbas qui n’a vu l’ours que les jours de spectacle de lâchers, de décider de l’avenir des villages en méprisant la représentativité des élus locaux?
Pourquoi parle-t-on toujours d’ours et d’opposition entre pro et anti mais jamais de développement durable des vallées, de production de qualité dans le cadre d’activités traditionnelles raisonnées et de l’exercice d’une gouvernance démocratique par ceux qui vivent au quotidien dans ces montagnes? Pourquoi les éleveurs sont-ils toujours mis en accusation et, à l’occasion, les chasseurs, sans jamais parler des forestiers, des randonneurs, promeneurs et chercheurs de champignons qui se font agresser au détour d’un chemin pour, parait-il, «ne pas déranger tel ou tel animal»?
La réalité n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Il faut venir la voir et la vivre sur le terrain. Il faut aussi s’abstenir de la colorer d’approximations, amalgames et mensonges pour coller au politiquement correct défini par quelques associations.
Vendredi 16 décembre au matin, P. B., un éleveur sans histoire qui ne souhaite pas s’exprimer devant la presse, va rendre visite à ses chevaux situés dans un enclos au fond de la vallée de l’Orle (Ariège), à proximité du parking de «La Pucelle». Première surprise, l’enclos est ouvert et les chevaux ont disparu. Dans l’immédiat, il pense à un petit conflit de voisinage local. Mais, très vite, il constate la présence inhabituelle de pots de miel dans lesquels il observe du verre pilé et... des pilules bleues. Pensant à une vengeance personnelle et que quelqu’un en voulait à ses chevaux, il prévient les gendarmes qui, eux, font une autre interprétation. Les chevaux ne mangent pas de miel, même pour les empoisonner, et de toute manière l’enclos est ouvert pour les faire partir. Au final, ce seront 37 pots qui seront découverts entre le parking et la prairie avec un agrainage au maïs.
Une analyse ADN des pots a été réalisée. Reste à confondre cette éventuelle ADN avec des suspects potentiels. Des éleveurs? Pourquoi pas? Vu le niveau de colère et de désespoir dans lequel se trouvent certains d’entre eux, tout est possible. Quelques-uns vont jusqu’à dire qu’ils n’ont «plus rien à perdre». Pour d’autres à Sentein, «dès qu’il y a un problème de travers, on désigne l’ASPAP. C’est toujours l’ASPAP et ses membres qui sont suspects. Alors qu’on nous mette tous en examen, on prendra un avocat et on verra». Le ton monte! Et de suite un autre éleveur complète: «C’est peut-être que le début. Il va y avoir des actions plus fortes. Le sous-Préfet ne fait rien. L’État sème et il récoltera ce qu’il a semé».
Michel Estrémé, exprime sa colère face à toutes ces histoires autour de l’ours. «Je ne sais pas qui a fait ça. Ces pots étaient trop en vue. Ça ne sert à rien. Pour moi c’est de la provocation mais je ne sais pas qui. C’est trop flagrant pour que ce soit un éleveur. Sur un parking, dans le pré à côté et sur le bord d’un chemin pour que ça se voit. Un éleveur aurait été plus subtile». Et il poursuit: «Ici, dans la vallée, je ne crois même pas que quelqu’un soit capable de faire ça»
«Je n’en ai jamais vu. Personne n’en a parlé. Ça aussi ça devait être de la provocation» nous dit Michel.
Ainsi donc il y aurait des patrouilleurs, selon FERUS, qui rendent compte à un vigile. Des patrouilleurs très discrets qui n’ont rien vu ou qui n’existent pas. A moins que…. Non, non, nous n’accusons personne.
Nous nageons en eau trouble. Néanmoins, du côté du Parquet de Foix, l’enquête se poursuit.
Pour le Procureur de la République, Olivier Caracotch: «Il ressemble plus à une provocation qu’à une véritable volonté de nuire. Les pièges ont été déposés dans un endroit public, où on savait qu’ils seraient découverts. Ils auraient été nettement plus efficaces, et dangereux, s’ils avaient été dissimulés. Cet acte ressemble à un coup de pied dans la fourmilière». Mais il précise au sujet du mode opératoire que celui-ci "laisse à penser qu’il s’agissait de montrer l’opposition à l’ours, d’un acte de provocation, plus qu’un acte destiné à porter atteinte à l’espèce". A-t-il pensé à la provocation écologiste, ce qui ne serait guère nouveau?
Par contre des enquêteurs ont pensé aux chasseurs. Mais ça ne colle pas avec le rendu du jugement du Tribunal Administratif qui s’est fait après la découverte des pots de miel. Donc, qui???
Et où étaient les vigiles de FERUS et de l’ ADET?
Un savoir-faire de plusieurs siècles qui est capable de ressortir d’un moment à l’autre. «Dans les Asturies, ils l’utilisent couramment contre les ours et les loups. Ils n’ont pas d’autres solutions pour protéger leurs petits troupeaux». Et encore: «Les anciens l’employaient. Ils n’avaient pas les produits chez les commerçants. De toute manière c’est interdit» nous dit un vieil éleveur. «On a tout dans la nature, on la connaît, pas eux».
Il est bien sûr question de poison. Pas besoin de miel d’autant qu’à cette époque, normalement et officiellement, les ours sont entrés en hivernation. On nous aurait encore menti?
«Il y en marre des écolos, des ours et des gardes qui passent leur temps à nous provoquer. Avec un sous-Préfet qui se promène et ne fait rien» (Cf. visite sur une estive au-dessus de Seix). De son côté Michel Estrémé nous fait part du «désarroi des éleveurs». Et il se reprend. «C’est comme dans une guerre. Soit on se rend ou alors il faut que les élus fassent quelque chose». Pour cet homme d’ordinaire calme, nous sentons qu’il est au bout du rouleau.
Le discours de Rémi Denjan, coprésident de l’ASPAP n’est guère différent. Au sujet des pots de miel: «L’ASPAP n’a pas à juger cet acte. Ce n’est pas le fait de l’association». Et il poursuit: «Ni encourager, ni condamner. Vu la situation les gens se réveillent dans le Couserans. La situation se durcit». C’est clair. Éventuellement l’ASPAP pourrait bien soutenir des actes isolés de désespoir. Et il précise: «Cet acte, d’où qu’il vienne, démontre bien qu’il n’y a pas d’acceptation sociale de la présence de l’ours dans ce territoire. Les éleveurs hésitent à retourner en estive. Certains resteront en bas l’été prochain. Ils ont déjà pris leurs dispositions. Si la situation n’évolue pas, ce genre de choses risque de se reproduire mais avec une autre proportion et avec d’autres moyens».
Philippe Lacube, que nous avons joint sur son exploitation aux Cabanes, loin du Couserans, nous dit tout ignorer sur l’origine de ces pots de miel. Pour lui, il s’agit d’un acte "symbolique de la non acceptation de l’ours dans les Pyrénées». Et il précise: "Je ne sais pas qui est derrière ça. Ce que je peux dire c’est qu’on est dans un processus de confiscation du territoire, on en fait un territoire réservé à l’ours, pas à l’homme, et les gens réagissent. Ils vont commencer à se révolter". Loin l’un de l’autre, il tient le même discours que Jean Lassalle face au Parc National. Sans se concerter, c’est bien le même constat qui est fait d’un bout à l’autre des Pyrénées.
L’avertissement est clair pour les pouvoirs publics. D’autant que sur le versant Haute-Garonne et Val d’Aran, la détermination est la même que lors de la manifestation de Lès en 2008 après l’agression d’un ours sur un chasseur.
Et de rappeler les provocations écologistes, voir même des services de l’Etat, de ces derniers temps
La liste est encore longue avec de nombreux éléments qui participent à la colère que certaines associations départementales de la chaîne opposées aux introductions admettent difficile à contenir.
Un silence écologiste surprenant
Alors que d’habitude les associations de protection de la nature ont tendance à se répandre et s’offusquer de tels actes, depuis le 16 décembre, que les pots de miel ont été découverts et qu’ils en ont connaissance au même titre que les autres acteurs locaux, ils n’ont fait aucune communication. Mieux encore. Le forum de l’ADET a disparu. Plus de dialogue, au moins public, avec la base. Le système se ferme sur lui-même. Pourquoi?
Depuis mercredi, toutes ces associations, que nous savons toujours actives, sont aux abonnés absents. Auraient-elles quelque chose à se reprocher? Quels secrets cachent-elles? Silence radio depuis le 9 décembre du côté d’Arbas
Chez FERUS, même silence sur ce sujet qui semble ne pas exister pour eux alors que d’habitude ils sont les premiers à réagir. Mieux encore, ils parviennent à publier des documents officiels avant le Ministère de l’Écologie. Très fort!
Au FIEP on savoure encore le fiasco du fromage Pe Descaous chez... un seul éleveur. Et on se réjouit de voir arriver un ours en Navarre avec l’aide surprenante du FAPAS dans les Asturies.
Ce type de silence n’augure rien de bon. Et si ces pots étaient une de leurs provocations? Ou du moins la provocation d’un des leurs?
L’interrogation peut exister. Voir ci-dessous «Rétrospective et petite histoire de perturbation, miel et verre pilé»
A notre connaissance, il ne faut pas s’attendre à des communiqués de l’ASPAP ou de l’ADDIP qui ne se sentent pas concernés par ces pots de miel. Néanmoins, le niveau de colère est tel que nous pouvons imaginer une explosion de colère qui pourrait venir de l’Ariège mais aussi du Béarn par ailleurs mobilisé contre la Charte du Parc National des Pyrénées.
Les prochaines campagnes électorales avec l’alliance de la gauche et d’Europe Écologie pourraient bien s’annoncer mouvementées.
Louis Dollo
Article paru le 30 décembre 2011 dans Tarbes-Infos.com et Kairn.com et repris sur le blog de la Fédération des Acteurs Ruraux le 4 janvier 2012
Plusieurs dizaines de «pièges à ours» ont été disposées au fond de la vallée de l'Orle, dans le Biros, en Couserans: du miel, du verre pilé, un produit toxique, et de la térébenthine. La gendarmerie a ouvert une enquête.
C'est un éleveur qui les a découverts, et a prévenu la gendarmerie. A la mi-décembre, plusieurs dizaines de «pièges à ours» ont été découverts, au fond de la vallée de l'Orle, à proximité du parking dit de «La Pucelle». Des pots, des gobelets, des barquettes: tous ces récipients contenaient du miel mélangé à du verre pilé ou à un produit supposé toxique, aujourd'hui en cours d'analyse. Tout autour avait été répandu de la térébenthine, dont on sait que l'odeur attire les ours. Ni slogan, ni revendication: la mise en place de ce dispositif n'a pas été signée. Cependant, son but n'a rien de mystérieux. Il s'agissait bien de «pièges à ours», qui n'ont pas fonctionné: aucune trace de passage du plantigrade n'a été décelée. Mais les choses auraient pu mal tourner: les ours ont l'hibernation légère, surtout lorsque le temps est doux, ce qui était le cas voici une quinzaine de jours.
Une enquête de gendarmerie a été ouverte, à la suite de cette découverte. Olivier Caracotch, procureur de la République, ne cache pas ses interrogations sur le sens de cet acte: «Il ressemble plus à une provocation qu'à une véritable volonté de nuire, estime le magistrat. Les pièges ont été déposés dans un endroit public, où on savait qu'ils seraient découverts. Ils auraient été nettement plus efficaces, et dangereux, s'ils avaient été dissimulés. Cet acte ressemble à un coup de pied dans la fourmilière». Rémi Denjean, coprésident de l'Aspap, pour sa part, y voit, au contraire, l'illustration du désarroi et de la colère des éleveurs du Couserans: «Nous ne sommes pas responsables de cet acte et nous n'avons ni à le condamner, ni à l'encourager, explique-t-il tout d'abord. Cependant, il démontre bien qu'il n'y a pas d'acceptation sociale de la présence de l'ours dans ce territoire. Les éleveurs hésitent désormais à retourner en estive. Si la situation n'évolue pas, ce genre de choses risque de se reproduire». Même sentiment du côté de Christique Téqui, conseiller général du canton: «Dans ces montagnes, il y a un fort sentiment de désarroi, d'impuissance et d'abandon, analyse l'élue du Couserans. On rentre dans quelque chose qui tient du désespoir. Je redoute que cet acte soit le premier avant une montée en puissance de la violence».
En Couserans, quinze des vingt ours pyrénéens recensés se sont regroupés, depuis bientôt deux ans, concentrant du même coup l'essentiel des prédations enregistrées en Ariège. Au cours de l'année, 146 dossiers d'indemnisations ont été déposés, concernant 210 ovins, 12 bovins et 5 équins.
Auteur: Laurent Gauthey
Source: La Dépêche du Midi du 29/12/2011
Des dizaines de pièges à ours, composés de miel et de verre pilé, ont été découverts à la mi-décembre dans les Pyrénées, en Ariège, a-t-on appris jeudi de source judiciaire.
Les pièges ont été trouvés le 16 décembre sur un chemin fréquenté, en bordure d'une forêt du Couserans, dans la vallée d'Orle. "Des pots et des récipients contenaient du miel, des petits morceaux de verre, et certains un produit supposé toxique, actuellement en cours d'analyse", a expliqué jeudi à l'Associated Press Olivier Caracotch, procureur de la République de Foix.
"De l'essence de térébenthine, dont l'odeur attire le plantigrade, a également été retrouvée à proximité des pièges. L'ours hibernant depuis la fin novembre, on peut penser qu'il s'agit d'un acte de provocation plus qu'un acte destiné à porter atteinte à l'ours. Les pièges étaient situés dans un endroit public, plus fréquenté par l'homme que par le plantigrade", a-t-il dit.
Une enquête a été ouverte. La pose de ces pièges, qui n'ont pas fonctionné faute du passage d'un ours, n'a pas été revendiquée.
Les pièges à ours ont été découverts le jour où le tribunal administratif de Toulouse (Haute-Garonne) annulait partiellement l'arrêté de chasse en vigueur en Ariège, jugeant qu'il ne protégeait pas assez l'ours et provoquant la colère des opposants aux plantigrades.
"Je ne suis pas surpris par cette découverte même si j'ignore qui est derrière tout ça", a déclaré Philippe Lacube, éleveur ariégeois et un des chefs de file de l'opposition à l'ours. "On fait de notre département un territoire réservé à l'ours alors les gens de terrain réagissent. Depuis deux ans, l'Etat concentre un noyau d'ours dans ce territoire donc ce n'est pas étonnant que les habitants commencent à se révolter. Je crains que ce ne soit qu'un début", a-t-il ajouté.
Une vingtaine d'ours est actuellement recensée dans les Pyrénées, dont une quinzaine en Ariège. Les autres plantigrades sont répertoriés dans les zones montagneuses de la Haute-Garonne et dans le Val d'Aran espagnol.
Source: AFP du 30 décembre 2011
A quand l'acceptation de l'ours et un partage intelligent et raisonné du territoire?