Il fallait s'y attendre. L'annonce de l'introduction de 5 ourses au printemps 2006 n'a pas été fait pour calmer les esprits dans le milieu pastoral pyrénéen.
Il semble bien que la Ministre ne soit pas capable de mesurer la situation et fait, comme ses prédécesseurs, une fixation sur l'ours comme des gamins sur un ourson dans une vitrine.
L'incapacité des pouvoirs publics à faire face à la situation, à mesurer l'ampleur du mal qui est fait dans les vallées en terme conflictuel, ses incohérences persistantes, son
ignorance coupable culturelle font, qu'à l'évidence, imposer des ours à une population qui n'en veut pas conduira à un conflit majeur dont on imagine pas la suite.
Il reste à attendre la position des élus de la montagne, car, sans leur accord, une introduction imposée serait une folie.
Réintroduction de l'Ours. -- Associations, élus et éleveurs campent plus que jamais sur leurs positions après les déclarations de la ministre de l'Ecologie
La confirmation du plan de réintroduction des ours n'apaise pas le débat, qui était déjà vif, comme lors de cette réunion de concertation en mars à Laruns
"J'espère que les montagnards auront assez de ressources pour les flinguer. Je me suis battu dans les années 40 pour la liberté, ce n'est pas pour subir une seconde occupation":
les déclarations de la ministre de l'Ecologie Nelly Olin n'ont pas calmé l'ire de Jean Baylaucq, le maire de Bielle et conseiller général du canton de Laruns.
Au lendemain de l'annonce de la réintroduction de cinq ours
femelles au printemps 2006 dans le massif pyrénéen, son appel aux armes contre les fauves est sans équivoque. Qu'une telle position soit jugée déraisonnable lui importe peu.
"Ces ours slovènes sont des fous, des carnassiers", conclut-il en annonçant " la mort du pastoralisme".
Chez les éleveurs, le ton est finalement plus désemparé que guerrier. "Notre profession est bafouée. On a beau s'exprimer, dire que toute cohabitation est impossible, le
gouvernement n'écoute pas et poursuit son idée", commente Daniel Som, éleveur à Asson. Pour André Casassus, son collègue de Ger-Belesten, "on nous annonce notre mise au chômage
pour demain". Jean-Marc Prime, responsable au sein de la FDSEA de la section élevage, résume le sentiment général: "Lorsque le gouvernement promet la concertation, elle se fait
sans les principaux intéressés qui ne peuvent faire valoir la réalité du terrain, la vitalité mais aussi les contraintes de l'élevage en montagne".
Le 26 juillet, au sein de la délégation FNSEA, il rencontrera le ministre de l'Agriculture, Dominique Bussereau: "On va expliquer à ce brave homme que le milieu ouvert de la
montagne périclitera sans pastoralisme. On lui rappellera que l'ours brun n'est pas menacé en Europe, qu'une vingtaine vit encore dans les Pyrénées et qu'il faut réétudier le
dossier pour éviter une guerre civile, préférer l'aide aux installations et au maintien des jeunes plutôt que de prêter de l'argent à Nelly Olin pour qu'elle achète des ours
slovènes".
Vision des villes contre réalité des champs? C'est ce qu'on pense dans les estives. Jean Lassalle va plus loin: "La position citadine exacerbée par le lobby écolo a pris le pouvoir.
La ministre fait exactement ce qu'il ne fallait pas faire. Son annonce nous dresse les uns contre les autres, excite inutilement les gens".
Car, le député l'affirme: "ce plan de réintroduction de cinq ours n'a aucune chance de se réaliser. C'est impossible dans un milieu aussi hostile". Le report de six mois serait un
premier signe de recul, une façon "de faire faussement plaisir aux écolos". Et puis il note la volonté de la ministre de trouver un accord préalable avec l'Association nationale
des élus de la montagne, "qui a déjà dit ce qu'elle pensait d'une solution imposée". Les bergers aimeraient bien partager cet optimisme.
(voir commentaires)
Il est vrai néanmoins que du côté des associations défendant la restauration ursine, on se dit "déçus". "L'heure n'était pas aux atermoiements. On aurait pu lâcher au moins un ours
dès cette année: l'équipe de capture en Slovénie était prête...", regrette la coordinatrice de Ours-Férus qui faisait partie de la délégation Cap-ours. Des regrets partagés par
Alain Reynes de l'Adet, pays de l'ours. " Mais nous
restons dans la dynamique d'un même projet. On avance pas à pas", se console-t-il. Il dit surtout ne pas comprendre le rejet des bergers qui "pervertissent, renient leur histoire,
leur culture qui est celle de la cohabitation avec l'ours". Un discours qui ne passe pas: "Pourquoi ne pas imposer aux citadins un serpent dans leur gazon?", réplique Alain
Casassus. L'heure du dialogue n'est en tout cas pas prête de sonner.
Auteur: Anne-Marie Siméon
Source: Sud-Ouest du 22 juillet 2005