Le 7 août dernier nous annoncions en exclusivité, certes sous la forme interrogative, le projet de "Trois ours lâchés dans les Pyrénées aragonaises en Espagne?". L'affaire nous semblait énorme malgré la qualité de nos informateurs et la nature des précisions apportées. Nos propos n'avaient pas été pris très au sérieux.
Aujourd'hui, nous pourrions presque nous amuser de nos détracteurs. C'est la presse des Asturies qui sort l'information (lne.es) avec d'autres précisions (Voir la traduction)
Selon les informations parvenues en Catalogne dans le cadre d'une concertation avec les éleveurs, il avait été annoncé l'arrivée prochaine de 3 ours femelle en Aragon. L'objectif
était le même qu'en France: venir au secours des soi-disant "deux mâles qui sont en Béarn" et qui, en définitive, n'existent que dans l'imaginaire écologiste pour forcer la
main aux autorités afin de réaliser leur utopie.
Dans le projet, il s'agit pour les espagnoles de faire un prélèvement de quatre ours dans le massif des Cantabriques pour les amener dans les Pyrénées versant Sud. Une solution
à laquelle le FAPAS n'adhérait pas il y a un an et qui semble, aujourd'hui, avoir sa faveur même si, apparemment, il n'est pas noté comme participant aux discussions. Un tel
projet est sans doute une question d'opportunité financière en ces temps difficiles chez nos voisins d'autant qu'il ne s'agit plus de 3 ourses mais de quatre!
Un projet qui ressort des cartons depuis que le gouvernement français a dit non aux introductions de nouveaux ours. Le lobbying écolo a de la suite dans les idées avec l'appui,
en France, de quelques services de l'Etat ou, peut-être bien, des initiatives personnelles officieuses.
C'est ainsi que le journal asturien nous apprend qu'il s'agit d'un projet du "précédent gouvernement de la Principauté des Asturies" qui avait "projeté de capturer 4 ours bruns
pour les relâcher dans les Pyrénées". Mais c'était à une époque où l'Espagne avait encore (ou faisait semblant d'avoir) de l'argent. Et la motivation était claire: "Devant es
menaces pesant sur la réintroduction d'ours slovènes dans les Pyrénées, plusieurs régions négociaient un repeuplement avec des plantigrades cantabriques pour un montant de 22
millions".
Confirmation que l'idée d'un refus de la France était prévisible au point de prendre des contacts côté espagnol. La confirmation française de mai 2011 de ne pas introduire de
nouveaux ours n'a fait que précipiter les choses en Espagne puisque nous savons que des organisations d'éleveurs catalans ont été contactés pour "trouver des solutions de
protection". La preuve que, depuis des siècles et plus spécialement ces 30 dernières années, nous n'avons toujours pas trouvé. Ce qui n'empêche pas les organisations écologistes
telles que FERUS l'ADET ou de FIEP de Gérard Caussimont de dire: "les solutions nous les connaissons". C'est vrai! Tout le monde les connaît. C'est exposé dans des documents
officiels tel que le cahier des charges de la N 134 en vallée d'Aspe: virer les éleveurs.
Le projet ne manque pas d'envergure et d'intérêt... financiers. Plus de 5 millions d'Euros par ours. Une manne non négligeable pour les associations écologistes qui ne manqueront
pas, comme par le passé (et le présent) de réclamer leur part du gâteau. Et lorsque nous avons affaire, d'une part, à un état en quasi faillite, obligé de refaire des élections
nationales et, d'autre part, un autre état qui vient d'annoncer 11 milliards d'économie avec des augmentations d'impôts, la logique des défenseurs de l'ours est d'aller taper à
la porte de l'Union Européenne qui redistribue... nos deniers. Ce ne seront pas des milliards d'Euros mais que quelques millions qui se rajouteront aux centaines d'autres versés
à fonds perdus puisque la population d'ours stagne à défaut d'en rajouter comme dans un zoo.
Mais rassurons-nous. Rien n'est fait. Les protagonistes des anciens gouvernements de la principauté et des autonomies ont été "virés" et la demande de financement "LIFE" auprès
de l'Europe n'est pas encore partie.
La Nueva España (Lne) écrivait dans son édition électronique de mercredi: "Le projet était débattu, dans le plus absolu secret,...." Confirmation de ce que nous savions depuis
plusieurs mois autour de l'existence de discussions discrètes auxquelles participaient des fonctionnaires et des écologistes français. Un directeur d'association pro-ours avait
été clairement identifié en Catalogne avant les élections espagnoles. Le président d'une autre allait donner des conférences et faisait des rencontres en Navarre. D'autres
présents n'avaient pas pu être identifiés mais le secret était déjà quelque peu éventés en mars dernier. Et à un moment donné, il fallait bien informer les acteurs de terrain
dans le cadre de la convention d'Aahrus. Les secrets en matière d'écologie sont aujourd'hui une réaction stupide d'un autre temps. La preuve.... Avec en plus une crise économique
et un changement de majorité dans les régions espagnoles.
Le 7 août, après que nous ayons dévoilé cette affaire, aucun dirigeant écologiste n'a voulu confirmer ou infirmer officiellement même si en "off" certains se sont lâcher. L'ONCFS,
si prompte à défendre ses "experts" sans diplôme en zootechnique, est restée muette. Et pourtant, le projet existait bien.
Selon La Nueva España, rien n'est fait auprès de Bruxelles. Par contre, un projet français de relance du pastoralisme devrait être exposé au prochain salon de l'agriculture à Paris, le 1er mars. Les chambres d'agriculture pyrénéennes mettent la dernière main a un projet pour la chaîne dont le comité de massif devra tenir compte en matière de biodiversité pyrénéenne, n'en déplaise à Europe-Ecologie. Le soutien au pastoralisme est assuré par le Parc National des Pyrénées. Même chose du côté de l'UNESCO dans le cadre de l'inscription au patrimoine mondial de Gavarnie-Mont-Perdu. Face à une telle dynamique pastorale aux nombreux objectifs, l'idée d'introduire des ours dans les Pyrénées françaises et espagnoles apparaît bien médiocre et d'une autre époque y compris pour la défense de la biodiversité.
Louis Dollo
Le 24 aout 2011
Voir également:
Devant les menaces pesant sur la réintroduction d'ours slovènes dans les Pyrénées, plusieurs régions négociaient un repeuplement avec des plantigrades cantabriques pour un montant de 22 millions
Oviedo, Raquel L. Murias
Le gouvernement sortant de la principauté a négocié avec le Ministère de l'Environnement la mise en oeuvre d'un projet "Life" (financé par l'Europe), qui envisageait de
transplanter dans les Pyrénées quatre ours bruns cantabriques. Le projet implique plusieurs régions, atteindrait la somme de 22 millions d'euros, et reste suspendu à l'accord de
l'Union Européenne. Bien que le document ne précise pas si les ours seraient pris dans les Asturies ou en Cantabrie, tout laisse penser que la Principauté serait donneuse étant
donné que c'est la communauté qui compte la population d'ours la plus importante.
Le projet était débattu, dans le plus absolu secret, dans les bureaux de la Direction Générale de le Biodiversité et des Paysages que dirigeait Félix Garcia Gaona jusqu'à ce
qu'il soit révoqué suite aux récentes élections. Y participaient les communautés autonomes de Galice, Asturies, Cantabrie, Navarre, Aragon et Catalogne, des représentants de la
Fondation Oso Pardo /Ours Brun/ étaient aussi présents. Aujourd'hui c'est le nouveau gouvernement asturien de Francisco Alvarez-Cascos (Foro Asturias) qui aura le dernier
mot, entendu que ce projet "Life" n'a pas encore été soumis à Bruxelles.
Les projets "Life" ont été créés en 1992 et sont financés par l'UE pour développer des actions d'envergure orientées vers la conservation de la nature. Pour avoir l'appui de
Bruxelles, ils doivent d'abord passer le crible du Ministère espagnol de l'Environnement.
Dans les Pyrénées, les plantigrades aujourd'hui présents sont des ours bruns européens réintroduits dans le cadre de "Life" depuis les Balkans, concrètement la Slovénie. En son
temps, ce projet de récupération de l'ours dans les Pyrénées avait écarté la possibilité d'utiliser des ours en provenance des Monts Cantabriques (bien qu'il fussent de la même
lignée que ceux des Pyrénées) étant donné le faiblesse de leur population.
Le projet de récupération de l'ours dans les Pyrénées a débuté en 1996. Cependant on calcule qu'actuellement vivent entre 20 et 30 spécimens dans les Pyrénées, chiffre
insuffisant pour ne pas compromettre la récupération de l'espèce dans la zone. Les chiffres sont plus optimistes pour l'avenir de l'ours dans les Asturies et la Cordillère
cantabrique même si beaucoup reste à faire, notamment pour la population orientale. La population occidentale, elle, est distribuée dans la haute vallée du Sil, en Leon, la
province de Lugo, en Galice, et dans les Asturies. Les chiffres du dernier recensement sont des plus optimistes: plus de 150 ours comptabilisés.
Cependant seulement 50 spécimens vivent dans la population (ou le sous groupe) orientale qui englobe la région léonaise de Palencia et la communauté autonome de Cantabrie. En
fait, on a beaucoup débattu pour savoir s'il fallait ou non croiser artificiellement les deux populations, mais pour le moment aucune décision n'a été prise. La Principauté s'est
toujours refusé à translocaliser des spécimens, y compris à l'intérieur de la Cordillère Cantabrique. Une des raisons de cette extrême prudence quant à la capture des ours est
due à l'expérience de la mort de l'ours "Cuervo" lors d'un programme de radio marquage dirigé par la propre administration régionale.
"Lara" offre une meilleure image. Sur les photos, l'ourse apparut blessée en avril dans la localité de Laron, à Cangas del Narcea, avec un énorme coup de dents sur le côté. L'ourse a passé plus de quatre mois à se rétablir de ses blessures au centre de récupération de Sobrescobio. Elle vit à son aise dans les bois depuis qu'elle a été relâchée dans la nature vendredi dernier et au moins pour l'instant, est heureuse et ne semble pas avoir envie de retourner vivre avec les humains.
En 1996
Il fut décidé de prendre des mesures pour la récupération de l'ours des Pyrénées, juste au moment où l'espèce était sur le point de disparaître. A cette date on écarta la
possibilité d'utiliser des ours cantabriques parce que leur nombre était trop faible.
Même lignée
Bien qu'écartée en 1996, cette translocation d'ours à cette date aurait eu un sens puisque les deux familles d'ours sont de même lignée, en le croisant on récupérait la
population autochtone.
Ours étrangers
A ne pas arriver à un accord pour capturer des ours cantabriques, il fut décidé d'introduire des ours provenant de Slovénie. L'ours à nouveau peupla les Pyrénées, mais ce ne sera
plus jamais l'ours autochtone de la zone.
L'échec de la France
Le gouvernement français s'était engagé à réaliser cette année une nouvelle réintroduction d'animaux dans les Pyrénées, mais finalement le projet a été abandonné. C'est alors
qu'a été avancée cette idée de prendre des ours dans la Cordillère cantabrique dans le cadre d'un projet "Life" que financerait l'UE.
Traduction B.Besche-Commenge ASPAP/ADDIP