Il est passé par ici, il repassera - peut-être - par là: depuis deux semaines, le loup du Mercantour joue à cache-cache avec le trappeur américain Carter Niemayer et son équipe, qui tentent de s'initier à l'art du piégeage à l'européenne
Saint-Etienne-de-Tinee (AFP) - Il est passé par ici, il repassera - peut-être - par là: depuis deux semaines, le loup du Mercantour joue à cache-cache avec le trappeur américain Carter Niemayer et son équipe, qui tentent de s'initier à l'art du piégeage "à l'européenne".
"Notre principale difficulté jusqu'à présent, c'est de repérer la meute. On ne sait pas exactement où elle est. Elle doit se balader entre la France et l'Italie", suppose le géant blond de deux mètres, dans son anglais frotté d'accent des Rocheuses américaines, où il a exercé pendant trente ans.
Trois, parmi la trentaine de loups installés dans le Mercantour, ont élu domicile il y a plusieurs années dans cette haute vallée de la Tinée, à une centaine de kilomètres de Nice et quelques battements d'aile d'Italie. Ce sont eux que le trappeur tente de capturer pour les équiper d'un collier émetteur destiné à étudier leur comportement.
"On a eu la semaine dernière un court épisode neigeux qui a ramené la meute côté français, où elle passe tout l'hiver, raconte Antoine Nochy, l'assistant français de Carter, qui s'est formé à ses côtés durant six ans. On avait rassemblé un bon faisceau de traces et là-dessus, pas de chance: plusieurs jours de pluie. Une calamité pour l'utilisation des pièges"!
Ces fameux pièges "à lacet", les seuls autorisés pour la capture des loups dans l'Union Européenne, n'en finissent pas de déconcerter le trappeur. Les 200 loups qu'il a capturés dans sa carrière l'ont tous été avec des pièges à mâchoire en caoutchouc, dont l'usage est généralisé aux Etats-Unis.
"Pour l'instant, avec les pièges européens, on n'a attrapé que des renards! s'exclame Carter Niemayer. Ces pièges sont beaucoup plus difficiles à régler en fonction du poids de l'animal qu'on veut piéger, plus longs et compliqués à installer et paradoxalement plus dangereux pour le loup car sans dispositif de sécurité pour l'empêcher de se blesser une fois pris".
Qu'importe ces réserves, il faut respecter le règlement et Carter Niemeyer s'est mis à "tout réapprendre" pour adapter son savoir à cette nouvelle technique.
Pour relever le défi, il a ses petits secrets auxquels il initie les agents du parc national du Mercantour et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS): l'idée de recourir à des genouillères, ou à une peau de bête, pour ne pas imprégner le sol de l'odeur humaine durant la pose du piège en épate plus d'un; l'utilisation d'un filtre à café, pour isoler le piège de la terre qui le recouvre, fait fureur.
Les mixtures "home-made" à base de glande anale de coyote ou d'urine de loup, utilisées comme leurres olfactifs pour attirer l'animal vers les pièges, font un triomphe.
Les Français scrutent chacun des gestes du trappeur avec attention car le compte à rebours est lancé: le 6 novembre, Carter Niemeyer sera reparti aux Etats-Unis. Ils ne pourront dès lors compter que sur eux-mêmes pour attraper les loups. L'autorisation de capture délivré par le ministère de l'Environnement est valable jusqu'au mois d'avril.
"L'hiver va arriver, le sol gelé va sensiblement nous compliquer la pose des pièges. Or le loup est intelligent, il ne faudra faire aucune erreur", prédit Jean-Pierre Bergeon, agent de l'ONCFS.
Son collègue Yannick Léonard va plus loin: "La technique, c'est une chose. Sur le terrain, il nous faudra fonctionner comme des loups".