Le rapport de la "Commission d'enquête sur les conditions de la présence du loup en France et l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne" fait
apparaître, selon les propos de
Gilbert Simon, à l'époque directeur de la nature et des paysages au Ministère de l'Ecologie que:
"Il est impératif que tous les loups en captivité soient clairement répertoriés et contrôlés par l'administration".
"L'existence d'opérations de réintroduction clandestine de loups dans les années 80"
L'un étant la conséquence de l'autre avec un manifeste laxisme de l'administration, nous pouvons nous interroger sur la qualité des loups en 2014: vrais
loups ou hybrides?
De nombreux textes écrits à la fin des années 80 et au début des années 90 évoquent des lâchers clandestins de loups.
En premier lieu, une enquête réalisée en 1990 par la direction de la nature et des paysages (DNP) recense 42 opérations «d'introductions, réintroductions et renforcement de populations» en France entre 1950 et 1989, concernant diverses espèces, dont des lâchers clandestins de loups:
"Nous n'avons relevé que trois cas de réintroductions d'espèces disparues du territoire national ou supposées telles:
La réintroduction du lynx, bien qu'il n'ait pas tout à fait disparu du Jura, les tentatives de lâchers de loup qui se sont d'ailleurs soldées par des échecs, et l'opération
actuellement en cours sur le phoque moine." (1)
Il est pour le moins surprenant que le Ministère de l'Environnement ait officiellement recensé des lâchers clandestins de loups (et d'autres espèces), opérations par définition illégales, sans s'inquiéter outre mesure des auteurs et des conditions de ces pratiques illégales. Peut-être faut il y voir un signe de l'anormale proximité entre la toute jeune administration de l'environnement et les milieux associatifs écologistes dont elle est en partie issue.
Lorsqu'un loup est tué à Aspres-les-Corps (Hautes-Alpes) en novembre 1992, Gilbert Simon, alors directeur de la DNP, explique qu'il provient probablement d'un lâcher clandestin, lors d'un entretien avec une journaliste de Libération:
"Ce sont les fédéraux de l'Office National de la Chasse qui sont chargés de remonter les traces de l'animal insolite. Première hypothèse, il serait venu des Abruzzes, où l'Italie mène actuellement une politique de sauvegarde comparable à celle de la France pour l'ours des Pyrénées. (...) Le plus probable serait donc un loup parti d'un cirque ou de l'élevage d'un particulier. "Un fugueur peut-être, explique Gilbert Simon, directeur de la direction de la protection de la nature et des paysages, mais il existe aujourd'hui une catégorie de nostalgiques qui font de la provocation et lâchent clandestinement des animaux sauvages". (2)
Certains passionnés du loup paraissent d'ailleurs, eux aussi, avoir connaissance de ces lâchers clandestins:
"La pression de l'homme sur son milieu est devenue si pesante que quelques révoltés, désireux de recoller les morceaux d'un monde perdu, n'hésitent pas à prendre le maquis: ça et là en Europe, des loups captifs auraient déjà été discrètement relâchés, dans quelques sites tenus secrets... Ces tentatives marginales suffiront-elles à rendre à Canis Lupis la place qui était la sienne?" (3)
"Voici donc (le projet de réintroduction de loups) envisagé en Suède. Il est évident que si un projet similaire était présenté à notre ministère de l'environnement, il commencerait par être surpris et à tout le moins on imagine qu'il ne danserait pas de joie. Il envisagerait d'abord les côtés négatifs. Il s'inquiéterait des réactions de la population et, s'il était par hasard l'élu du secteur où la réintroduction serait envisagée, il craindrait tellement pour sa réélection qu'il ne se hasarderait pas à donner le feu vert au projet. En d'autres termes, ceux qui rêvent de la réintroduction du loup en France risquent fort de ne pas être entendus ; il n'est pas impossible qu'ils ne soient même pas compris. Alors, faudra-t-il réintroduire les loups subrepticement? En réalité quelques tentatives ont déjà eu lieu en France, à ma connaissance du moins, elles n'ont pas connu le succès". (4)
Comme l'explique Laurent Garde, ingénieur au CERPAM (Centre d'Etudes et de Réalisation Pastorales Alpes Méditerranée) (5) "l'ensemble de ces citations ne prouve pas que le couple de loups vu dans le Mercantour en novembre 1992 provienne d'un lâcher. Par contre, elles établissent avec certitude le fait que des loups ont été lâchés clandestinement en France. (...) Elles témoignent également de la passion de lâchers de prédateurs qui animait les milieux écologistes dans les années 1980, et qui a conduit avec certitude à lâcher des ours et des lynx".
Le succès de ces lâchers est très incertain:
la commission a entendu des déclarations contradictoires à ce sujet; certains estiment qu'un loup élevé en captivité a beaucoup de mal à s'acclimater à la vie sauvage et disparaît
rapidement. D'autres pensent au contraire que le loup captif relâché peut très bien survivre dans la nature.
Il est toutefois scandaleux que le ministère de l'environnement ait délibérément passé sous silence l'existence de ces lâchers, refusant même d'en discuter dans sa publication de 1996. Cela participe manifestement de la politique d'opacité pratiquée par le ministère.
(1) - Martine Bigan, Synthèse des réponses au questionnaire de la Direction de la Protection de la Nature et des Paysages (Secrétariat d'Etat chargé de l'environnement) in: la Terre et la Vie, suppl. 5, 1990.
(2) - Libération, 29 déc. 1992, article de Florence Aubenas.
(3) - Jacques Baillon, Nos derniers loups, les loups autrefois en Orléanais, Association des Naturalistes Orléanais, 503 p., Orléans, 1991
(4) - Gérard Ménatory, La vie des loups, éd. Stock, 1993
(5) - Les conditions du retour du loup en France: éléments techniques à partir du dépouillement de publications, CERPAM, février 2003.
Source: Extrait du rapport de la "Commission d'enquête sur les conditions de la présence du loup en France et l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne" - 2003 - Le rapport complet