C’est certain, le gouvernement se préoccupe du loup. Mais pas dans le sens où l’espéraient les éleveurs qui pleurent tous les jours leurs brebis, chèvres, vaches, veaux, chevaux attaqués par le prédateur.
L’été a été meurtrier et ce n’est pas terminé. Tous les jours, des éleveurs qui mettent leurs bêtes en plein air, ceux qui font de l’élevage respectueux de l’environnement sans pour autant revendiquer de label, ceux qui entretiennent les paysages et la biodiversité, ramassent des carcasses. Et souvent ils ne retrouvent rien, les vautours ayant fini les restes… Si le nombre de victimes constatées par l’ONCFS (office national de la chasse et de la faune sauvage) en 2015 semble à peu près équivalent à celui de l’année précédente (6264 et 6849), la pression demeure élevée après un bond de 30% en 2014 (4730 en 2013). Elle est devenue insupportable aux yeux des éleveurs dont certains préfèrent désormais raccourcir la durée de l’estivage (appelé aussi montagnage selon les régions), ou ne plus monter leurs bêtes dans les alpages.
Au terme de 20 ans de prédation dans le midi, l’activité est au bord du gouffre malgré les 15 millions € accordés en 2015 par l’État pour compenser (en partie!) les dégâts provoqués par le loup. Cet été, la colère des éleveurs a monté d’un cran, obligeant le gouvernement à afficher quelques mesures d’urgence, notamment à s’engager dans une «démarche auprès de la Commission européenne et de la Convention de Berne», les deux institutions qui imposent la protection du loup. Ces points sont affirmés avec fermeté dans le communiqué de la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, du 18 juillet.
Cela n’a pas empêché Ségolène Royal de signer, le 27 octobre 2015, une lettre adressée au commissaire européen à l’Environnement Karmenu Vella , à la veille de l’allègement des directives Habitat et Oiseaux prévu le 20 novembre (en français et en angais avec les signatures, cf les deux 1ers fichiers joints). L’appel co-signé par neuf ministres de l’environnement se retourne clairement contre les éleveurs. Que dit-il? Qu’il ne faut surtout pas toucher à la directive Habitat de 1992 qui protège entre autres le loup, sous peine de sombrer dans «une incertitude juridique». «Nous sommes donc tous d’accord sur le fait que les directives devraient conserver leur forme actuelle». Et un peu plus loin: "la France tient à souligner que l'accent doit être mis sur le renforcement et l'amélioration de la mise en oeuvre des directives". Exactement le contraire de ce qu’annonce le communiqué du 18 juillet dernier. Exactement le contraire de ce que réclament les éleveurs de plus en plus seuls face au loup.
Auteur: Françoise Degert
Source: Blog Mediapart du 29 octobre 2015
Notes: (1) Allemagne, Croatie, Espagne, France, Luxembourg, Italie, Pologne, Roumanie, Slovénie