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Écologue et anthropologue, Laurent Garde, chercheur au CERPAM (Centre d’étude et de réalisation pastorale Alpes Méditerranée) apporte un regard scientifique rigoureux et averti sur la problématique du retour du loup dans les zones de pastoralisme. L’expertise du scientifique en la matière a fortement intéressé le Syndicat ovin de l’Ariège. Ce dernier a donc pris l’initiative d’inviter Laurent Garde à Foix, pour une conférence à destination des éleveurs du département.

Une soixantaine de personnes est venue assister à cette présentation, parmi lesquelles Frédéric Novellas, directeur départemental des territoires, qui représentait l’administration départementale. Du côté du syndicalisme agricole, les FDSEA de l’Ariège et de l’Aude étaient présentes. Plusieurs éleveurs audois ont également fait le déplacement.

- Dénoncer les mensonges qui circulent autour du loup

Tel est le premier souci du scientifique. Les problèmes de prédation sur ovins par des chiens divagants en est un bon exemple. Dans la littérature de défense du loup, qui cherche à minimiser les dégâts du grand prédateur par rapport à ceux des chiens errants, les chiffres annoncés ne se réfèrent à aucune étude de terrain. “Ces publications sont contraires aux règles de base de la déontologie scientifique”s’indigne Laurent Garde. De son côté, le CERPAM a mené une dizaine d’études de terrain, en s’appuyant sur une méthodologie scientifique précise, qui mesure le taux de prédation des chiens errants à seulement 0,25%, contre 3,7% en moyenne dans la littérature proloup.

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Autre raccourci utilisé par les défenseurs du loup: la cohabitation historique entre le loup et l’élevage. “Attention aux vérités assénées sans analyse du contexte socio-économique de l’époque”avertit le chercheur. Laurent Garde s’explique: “cette cohabitation reposait d’abord sur une destruction systématique des loups. De plus, la protection des troupeaux était permise par le regroupement nocturne, qui avait à l’époque une finalité avant tout économique: le lait et le fumier représentaient à l’époque la richesse des éleveurs.”Ce qui n’est plus le cas actuellement. Le regroupement nocturne est aujourd’hui une contrainte lourde pour l’éleveur, entraînant des problèmes d’érosion dûs aux déplacements répétés vers le parc de nuit, ainsi qu’une concentration des déjections sur ce parc avec l’impact paysager, sanitaire et la pollution qui en résultent. L’état des brebis en pâtit, du fait de l’allongement des temps de trajet et de l’impossibilité du pâturage nocturne, les brebis étant “serrées” toute la nuit.

- Une première phase d’apprentissage qui s’avérait prometteuse

Depuis que le loup a fait son apparition dans les Alpes françaises en 1994, les éleveurs ont développé et testé toute une panoplie de mesures de protection. Cette phase “d’apprentissage” a permis de constater que la protection de gros troupeaux (autour de 2.000 têtes), en conditions favorables, c’est-à-dire regroupés sur un alpage peu vulnérable, conduit par deux bergers et regroupés la nuit (avec les conséquences que cela implique) est possible. De 2006 à 2010, la mise en place de ces mesures de protection a permis de stabiliser temporairement le nombre de victimes.

- La perte de maîtrise de la situation

Mais à partir de 2010, la courbe du nombre de victimes a continué de grimper, parallèlement à l’augmentation du nombre de troupeaux protégés. “Nous sommes confrontés à une perte de maîtrise de la situation ”commente Laurent Garde, qui parle de “problème absolument majeur, notamment dans les Alpes méditerranéennes ”. Dans cette zone, le constat est alarmant pour le scientifique, pessimiste face à l’échec avéré des mesures de protection: “je ne dis pas que le sylvopastoralisme est menacé. Je dis bien qu’il est condamné par le loup”.

- Pourquoi tant de pertes?

Mais que s’est-il passé pour que ces mesures de protection, qui semblaient montrer une certaine efficacité, ne permettent plus d’endiguer le flot de victimes? D’une part, l’efficacité des chiens de protection montre ses limites, face à des loups de plus en plus insistants et audacieux, qui n’hésitent pas à attaquer de jour comme de nuit. Par ailleurs, la surcharge de travail humain, nécessaire à la protection des troupeaux, présente elle aussi ses limites: + 42 heures par semaine en alpage pour un troupeau moyen de 2.260 ovins, et + 100 heures par mois en exploitation, pour un troupeau de 400 brebis en moyenne. Tels sont les chiffres obtenus grâce à une étude minutieuse menée par le CERPAM, sur plusieurs alpages et exploitations. Laurent Garde témoigne: “ces chiffres correspondent à ce que les gens ont réussi à sacrifier sur leur vie privée, mais combien d’heures sont réellement nécessaires pour une protection efficace, on ne le sait pas. J’ai rencontré beaucoup de situations de détresse familiale. Cela fait partie de “l’insupportabilité” du dossier”.

Parmi les autres facteurs limitants, on peut citer le coût de la mise en place de clôtures sécurisés sur les exploitations, estimé entre 50.000 et 200.000€ pour chacune d’entre elles.

- Nous, Pyrénéens, ne sommes pas prêts à y faire face

À l’issue de la présentation de Laurent Garde, ce constat inquiétant a été fait à la fois par les éleveurs présents et par l’Administration. Frédéric Novellas, très concerné par la situation, n’a pas hésité à faire part de ses inquiétudes. “L’expérience de la prédation que l’on a acquise avec l’ours nous sera peu utile face au loup”. La prise de conscience est générale. Emmanuel Trocmé, conseiller élevage de la Chambre d’agriculture, martèle l’importance de se saisir de cette problématique dès maintenant: “Les éleveurs sont absolument nécessaires pour la défense de la biodiversité et la création de valeurs ajoutés dans nos territoires ruraux. Il faut communiquer sur ce point, et expliquer au grand public pourquoi la cohabitation n’est pas possible. Nous devons mettre sur papier les savoir-faire de nos bergers sur les estives pyrénéennes, qui visent l’optimisation de l’alimentation et de la santé de nos troupeaux.”L’enjeu ici est de justifier l’impossibilité de protéger nos troupeaux contre ces prédateurs en raison des contraintes techniques et économiques relatives à la gestion d’une estive. Laurent Garde conclut cette conférence avec un avertissement des plus clairs: “n’attendez pas, c’est maintenant qu’il vous faut agir” et 30 vaches. Parcours boisés très vulnérables dans le Verdon: la fin annoncée du sylvopastoralisme?

Auteur: E.Gironce
Source: Syndicat ovin de l'Ariège - Paru dans Terre d'Ariège du 22 janvier 2016

Compte rendu de la conférence du Vendredi 15 janvier 2016 - Le Syndicat ovin de l’Ariège a invité tous les éleveurs à une conférence sur le loup et l’élevage. Le conférencier a dressé le bilan de 20 ans de confrontation dans les Alpes et perspectives.