La perte du foncier agricole, qui représente en moyenne entre 30.000 et 90.000 ha/an depuis 2000, selon des chiffres du ministère de l'Agriculture, met à mal non seulement les exploitations amputées mais produit également des dommages collatéraux sur l'ensemble du tissu économique du territoire impacté.
«Les chambres d'agriculture doivent s'emparer du problème et être actives sur les questions de "compensation agricole" et de "compensation écologique"», a insisté Jean-Louis Cazaubon, vice-président et président de la commission des territoires de l'APCA (Assemblée permanente des chambres d'agriculture), en introduisant un colloque sur ce thème à Paris le 7 octobre 2014. Une compensation qui s'envisage si le projet n'a pu être ni «évité» ni suffisamment «réduit», selon le principe ERP (éviter, réduire, compenser), remis au goût du jour en 2012 dans la loi Grenelle.
Le préjudice subi par l'agriculture par la perte de foncier dans le cadre de grands travaux sera indemnisé par le biais d'une "compensation agricole", abondée par le maître d'œuvre des travaux. Elle permettra de financer des projets agricoles collectifs ou de filière et ne sera donc pas attribuée à un exploitant agricole en particulier qui bénéficie uniquement d'une indemnité d'éviction. Les projets collectifs seraient par exemple des travaux de modernisation (drainage, irrigation, etc.), un abattoir, le soutien aux circuits de proximité...
Le principe de "compensation agricole" est inscrit dans la loi d'avenir de l'agriculture, qui sera adoptée d'ici à la mi-octobre (1). Un fonds de compensation sera constitué d'après une appréciation de l'impact sur l'ensemble de l'activité agricole: perte de valeur ajoutée sur les exploitations concernées, affaiblissement, voire destruction d'une filière, ainsi que les conséquences économiques sur l'amont et l'aval de l'activité agricole (coopérative, fournisseurs, banque, industrie agroalimentaire, etc.).
Les comités de gouvernance du fonds de compensation agricole comprendront des représentants d'agriculteurs, notamment les chambres d'agriculture, et devront être opérationnels au plus tard le 1er janvier 2016.
Plusieurs chambres d'agriculture ont été pionnières dans la mise en place et la gestion de ces fonds de compensation économique agricole. Des représentants des chambres de l'Ile-de-France, de la Loire-Atlantique, de la Normandie, de l'Isère, du Var et des Bouches-du-Rhône ont témoigné de leur expérience, lors du colloque à l'APCA.
Axel Gayraud, qui dirige le service en charge du territoire et de l'nvironnement» de la chambre de la Loire-atlantique, a expliqué la constitution d'un fonds de compensation économique agricole de 3,1 millions d'euros à la suite du projet de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes (d'un coût de 600 millions d'euros), abondé par l'opérateur Aéroport Grand Ouest (AGO). Un montant à mettre en face d'environ 1.200 ha de terres agricoles perdues et de 2.000 à 4.000 ha de terres sous mesures de compensation environnementale. L'impact direct sur le chiffre d'affaires agricole moyen est estimé à 16.000 €/ha pour une période de dix ans. Auquel il faut ajouter la perte due aux mesures de compensation écologique (qui diminuent le chiffre d'affaires agricole), l'impact indirect sur l'activité agroalimentaire. Il faut multiplier l'ensemble (impact direct et indirect) par un ratio du chiffre d'affaires généré par un 1€ investi.
La chambre d'agriculture du Var met à disposition sur son site internet une charte de bonnes pratiques pour la préservation du foncier, pour sensibiliser les collectivités locales, ainsi que des guides méthodologiques.
(1) Art. L. 112-1-3. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives importantes sur l'économie agricole font l'objet d'une étude préalable comprenant au minimum une description du projet, une analyse de l'état initial de l'économie agricole du territoire concerné, l'étude des effets du projet sur celle-ci, les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet ainsi que des mesures de compensation collective visant à consolider l'économie agricole du territoire. L'étude préalable et les mesures de compensation sont prises en charge par le maître d'ouvrage. Un décret détermine les modalités d'application du présent article, en précisant, notamment, les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui doivent faire l'objet d'une étude préalable. IV. - Le III entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2016.
Auteur: Sophie Bergot
Source: La France Agricole du 8 octobre 2014