"Sauver des ours est un acte d'amour: il doit être fait par des hommes réconciliés, sinon c'est un viol"
Les Béarnais, comme tous les Pyrénéens, doivent faire face à une évolution des structures traditionnelles de concertation et de dialogue depuis le Moyen Age et plus spécialement depuis la révolution française. Le pouvoir central (Paris) intervient de plus en plus dans des décisions parfois banales qui ne devrait concerner que les habitants du territoire concerné. Ce qui était des arrangements locaux deviennent des conventions internationales (lies et passeries) et ce qui était une communauté d'hommes et de femmes où le dialogue informel était la base des accords collectifs devient une commune avec ses limites, ses frontières... Ses délibérations toujours contrôlées par le représentant du Pouvoir Central, le Préfet.
Au milieu de tout ceci vient s'interposer la problématique de l'ours avec des intervenants extérieurs à la communauté de vie constituée des hommes du Pays tel que les associations de protection de la nature et l'Etat qui s'implique plus fortement.
C'est alors que se crée l'IPHB qui renoue avec cette tradition de dialogue et de décision collective. Mais dans le même temps d'autres structures se sont mises en place tel que les communautés de commune et le "Pays" qui, parfois, ne sont que des superpositions stratifiant des structures administratives.
Se pose alors la question de la place de l'IPHB qui est avant tout une structure de dialogue. Mais au-delà, doit aussi se poser la question de la gestion de l'ours et de tous ses aspects collatéraux liés essentiellement au pastoralisme. La multiplicité d'intervenants rend le système peu lisible entre les groupements pastoraux (issus des communautés traditionnelles historiques), des communes, souvent propriétaires des terrains, des communautés de communes décideurs d'actions, des "Pays" participants aux financements et à l'élaboration de projets de développement, du département, de la Région et de l'Etat avec ses divers services. Au côté de tout ceci, lorsqu'il s'agit de l'ours, de sa protection et des rapports que peut avoir le pastoralisme avec ce prédateur, intervient le FIEP, association de militants pro-ours qui décide et participe à une grande partie des projets pastoraux sans être partie prenante du milieu.
Je laisse le soin à chacun d'imaginer ce que peut-être un montage financier de projet pastoral et comment envisager de mettre tout le monde d'accord lorsque intervient un organisme qui n'existe que pour faire valoir son lobby, l'ours, sans aucun souci des hommes qui habitent et vivent sur le territoire.
Dans cette affaire, où se trouve l'intrus?
"Ils organisent le ratage du sauvetage de l'ours", affirme le député (UDF) des Pyrénées-Atlantiques. "Je pense que Nelly Olin devrait se pencher sur des groupes de pression terrifiants, comme Férus ou la Fondation Nicolas Hulot. Sauver des ours est un acte d'amour: il doit être fait par des hommes réconciliés, sinon c'est un viol. Les gens n'en veulent pas parce qu'ils ont peur: ils n'ont ni espoir ni perspective. En 1996, j'étais d'accord pour mettre deux ourses, puis Pelletier est arrivé et a dit qu'on en mettra quinze."
La ministre de l'écologie se penche sur l'avenir de l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn qui s'oppose toujours aux réintroductions. Une position claire de l'Etat est attendue pour l'été.
Peu avant son annonce de réintroduire cinq ours dans les Pyrénées centrales, la ministre de l'écologie Nelly Olin a discuté avec le préfet des Pyrénées-Atlantiques, Marc Cabane.
Il a notamment été question de l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn dont l'opposition au renforcement reste ferme. Une nouvelle fois, se joue l'avenir de la structure présidée
par Jean Lassalle.
"La ministre est déçue par les résultats de l'IPHB", confirme le sous-préfet d'Oloron, Claude Gobin. "Pour elle, c'est une non réussite. Elle souhaite laisser encore du temps à la
réflexion et en tirer tous les enseignements après les réintroductions".
L'IPHB avait été créée en janvier 1994 pour répondre à un besoin de dialogue entre les différents partenaires. Ceux-ci avait signé la charte du développement durable des vallées et
de protection de l'ours. Dix ans plus tard, le projet d'accueillir deux nouvelles femelles en Béarn a fini par tomber à l'eau. L'IPHB en ressort affaiblie. Et nombreux sont ceux
qui demandent sa peau.
Son fonctionnement s'élève à environ 360.000 euros par an (1). Le coût est supporté par l'Etat et la région (dans le cadre d'un contrat de plan qui se termine en
décembre 2006), le département et les collectivités. Sur le terrain, les actions engagées nécessitent des financements supplémentaires. Les détracteurs ont fait leur compte: une
quinzaine de millions d'euros ont été dépensés depuis 1994 (50 % en faveur du pastoralisme et autour de 10 % pour l'ours). "Pour quels résultats?" s'interroge, chez les Verts, la
conseillère régionale béarnaise Louisette Mayerau. "Cet outil n'a pas rempli ses objectifs. Aucune mesure pour la survie de l'ours n'a été concrétisée. Il faut que l'IPHB le
reconnaisse. Cette instance se substitue finalement aux collectivités. Il faut s'interroger sur son rôle. C'est une action de salubrité politique. Tout le travail de construction
reste à faire".
"Contrat rompu"
Après avoir claqué la porte de l'IPHB où il siégeait, Gérard Caussimont, président du FIEP, est lui aussi catégorique " J'ai toujours pensé qu'une structure de concertation était
nécessaire. Mais à partir du moment où le président prend la tête de l'opposition à la réintroduction d'ours, l'Etat doit retirer la cogestion à l'IPHB. L'évaluation partagée de la
population d'ours et la mort de Cannelle n'y ont rien fait. L'IPHB est défaillante. Le contrat est rompu."
Contrairement à 2001, Jean Lassalle n'a pas encore démissionné de la présidence. Il a simplement pris du recul lors du dernier conseil de gestion. Le maire de Lescun, François
Bayé, dispose désormais d'une délégation: "La gestion de cette affaire ne peut pas se faire sans nous", affirme-t-il. "C'est l'Etat qui a rompu le contrat! Pourquoi avoir foutu
en l'air dix ans de travail? Je regrette de ne pas être allé au bout de nos engagements. Je suis convaincu que le territoire allait se prononcer en faveur d'une réintroduction.
Mais la confiance se perd en cinq minutes. On met des années à la regagner."
A la fois président du comité de massif et vice-président du conseil régional, François Maïtia souffle, de son côté, le chaud et le froid: "Le conseil régional s'intéressait aussi
au développement des vallées, au pastoralisme et à la forêt. De ce point de vue, l'IPHB a été utile. Le savoir-faire accumulé par l'équipe est incontestable. Mais à l'époque de la
signature du contrat de plan, le Pays d'Oloron et du Haut-Béarn n'existait pas. Ce type de regroupement peut aussi servir".
Auteur: Patrice Sanchez
Source: Sud-Ouest du 14 mars 2006
(1) Le budget 2006 voté vendredi soir se porte à 1,1 million d'euros.