S'appuyant sur des débats d'opinion animés, sur des réflexions scientifiques et éthiques renouvelées, la question du rapport entre l'Homme et l'animal a acquis, en une trentaine d'années, une importance sans précédent. Rapport complexe, oscillant toujours entre la chasse et le compagnonnage, la prédation et l'admiration, l'exploitation et la préservation, il est devenu le révélateur des enjeux majeurs de nos sociétés: rapports entre villes et nature, conditions de la recherche scientifique et statut du vivant, affirmation du sentiment de solitude, règles du commerce mondial ou sécurité alimentaire. Aussi cette question de la place de l'animal dans nos sociétés, du sort qui lui est réservé, de ce que nous en attendons, me tient-elle particulièrement à coeur.
Pour les professionnels de l'élevage, la justification de l'activité d'élevage est de fournir des animaux ou des produits animaux qui répondent à la demande du marché. Le marché étant la représentation de l'attente du consommateur en quantité, en qualité et en coût acceptable pour ce dernier.
L'animal constitue un investissement vis-à-vis duquel le producteur établit une relation particulière qui dans la majorité des cas le conduit à en prendre soin avec la plus grande attention, et dans certains cas, à nouer une relation très forte, notamment avec les animaux qui vont partager son quotidien pendant de nombreuses années (chevaux, bovins, caprins).
Pour prendre en compte les problématiques de bien-être les professionnels revendiquent la mise en place de guides de bonnes pratiques qui formalisent bien souvent des pratiques s'appuyant sur l'expérience, mais aussi sur des améliorations issues de travaux de recherche effectués par des institutions publiques (Institut National de la Recherche Agronomique, écoles d'agronomie, ou écoles vétérinaires...) ou privées (Instituts techniques des différentes filières professionnelles).
Du débat, se dégage un consensus concernant la non remise en cause des réglementations communautaires publiées et applicables.
Les professionnels font valoir que dans un certain nombre de cas les retards pris en vue de la mise en oeuvre de la réglementation sont liés à l'incertitude concernant les moyens (notamment les cages aménagées) pouvant être acceptés. La justification scientifique des contraintes auxquelles sont soumis les animaux n'est pas toujours probante au regard des critères de souffrance ou de bien-être.
De plus ils n'ont pas l'assurance que les moyens mis en oeuvre (par exemple, les cages) par les différents éleveurs en Europe, n'induisent pas une distorsion de concurrence.
Les éleveurs souhaitent que les moyens reconnus aptes à répondre aux contraintes définies par la réglementation soient enfin décrits, et que les éleveurs qui ont fait des choix lors d'évolutions réglementaires antérieures puissent disposer du temps nécessaire à l'amortissement des investissements opérés avant de répondre à de nouvelles évolutions réglementaires.
Les associations ont demandé d'aborder le thème des pratiques en élevages qui entraînent des traumatismes pour les animaux, notamment la castration des porcelets sans anesthésie préalable, le limage des dents des porcelets ou encore la section des cornes.
Les propositions qui ont fait consensus sur ce thème portent principalement sur:
la clarification des réglementations,
la recherche de solutions alternatives à des pratiques d'élevage qui ne sont pas interdites par les réglementations européennes, mais qui posent problème aux associations de
protection animale (ex: caudectomie),
l'analyse scientifique de pratiques contestées au regard des éléments objectifs qui caractérisent la notion de souffrance ou de mal-être (gavage),
la réalisation d'opérations nécessitées par les particularités de la production en maîtrisant systématiquement la douleur (anesthésie).
Les principales propositions d'actions émanent du Groupe de travail n°3: Animal, économie et territoires. Cinq propositions urgentes ont été déterminées.
Préciser le cadre réglementaire permettant aux détenteurs d'animaux d'élevage de pouvoir intervenir sur ceux-ci pour atténuer la douleur à l'occasion d'opérations traumatisantes ou de mise à mort en urgence.
Certaines interventions en élevage (comme les opérations de caudectomie, de castration ou d'écornage) sont pratiquées sans recourir à des techniques d'insensibilisation, essentiellement parce que les coûts d'intervention du vétérinaire seraient incompatibles avec les contraintes économiques des éleveurs. De même la mise à mort en urgence à l'exploitation peut s'inscrire dans le même contexte.
En permettant aux éleveurs de pratiquer des interventions traumatisantes sur des animaux préalablement insensibilisés par l'administration de substances dont l'usage est normalement placé sous la responsabilité des vétérinaires praticiens, le législateur pourrait répondre aux demandes des producteurs en ne remettant pas en cause les principes de la protection animale.
Veiller au respect des délais de mise en oeuvre des réglementations prises en applications des textes communautaires.
Cette proposition vise à rappeler aux services de contrôle les délais impartis aux différents secteurs professionnels. Les services devront évaluer régulièrement l'état d'avancement de la mise en conformité en identifiant la nature des difficultés rencontrées par les professionnels, ainsi que leurs demandes et propositions. Cette proposition peut permettre de concentrer les efforts sur des secteurs en fonction de l'évolution notamment des réponses techniques qui y sont apportées (par exemple en ce qui concerne la définition des cages aménagées).
Anticiper les cas de maltraitance issues de difficultés économiques ou sociales dans une exploitation à l'aide de la procédure "Agridiff".
Un certain nombre de cas de maltraitance en élevage, associés à des situations économiques difficiles pourraient être évités par une prise en compte précoce des conséquences prévisibles sur les animaux d'une situation économique fragile. Il serait opportun d'examiner l'impact d'une situation économique difficile en parallèle à la mise en oeuvre des procédures Agriculteur en difficulté (procédure Agridiff). La procédure étant liée à une démarche volontaire de la part de l'éleveur, il est important que les relais des chambres d'agriculture soient attentifs à la diffusion de l'information concernant la protection animale La généralisation de ces démarches peut se faire sur la base d'expériences existantes.
Evaluer les adaptations réglementaires et les contraintes techniques pour permettre, dans des cas clairement définis, une mise à mort à la ferme par les éleveurs.
Il peut être nécessaire pour un éleveur de procéder à la mise à mort d'un animal sur son exploitation afin d'abréger son agonie. Dans l'état actuel de la réglementation sur l'utilisation de substances à usage vétérinaire, seule l'euthanasie pratiquée par un vétérinaire est reconnue. Les éleveurs souhaiteraient que soit étudiée la possibilité d'une mise à mort par ses soins afin de minorer le coût de l'acte d'un tiers. Pour pouvoir accéder à la demande des éleveurs il est nécessaire d'évaluer les conditions de nature technique et juridique qui devraient être mises en oeuvre.
Evaluer la constitution d'un dispositif de mutualisation pour les pertes d'élevage consécutives à une mise à mort ou à une euthanasie.
Les associations de protection animale souhaitent que les animaux accidentés ne soient pas transportés vers un abattoir pour éviter de faire souffrir inutilement les animaux. Les éleveurs souhaitent pour autant que les animaux soient déclarés transportables par leur vétérinaire, afin d'envoyer cet animal à l'abattoir pour tenter d'en récupérer une partie sous forme de viande minimisant ainsi la perte de l'animal. Pour tenir compte de la préoccupation des éleveurs, les associations proposent d'évaluer le coût économique d'une mise à mort afin d'évaluer l'opportunité de construire un système de garantie mutuelle qui incite les éleveurs à privilégier l'euthanasie ou la mise à mort au transfert à l'abattoir.