Contrairement à ce que beaucoup d'associations et militants de protection de l'ours en France peuvent dire, il existe de nombreux problèmes de cohabitation en Slovaquie entre l'ours et les populations locales. Les relations et la gestion de la problématique n'est pas évidente. Le développement du tourisme y est original et pas forcément réalisé selon les mêmes critères qu'en France.
Y-a-t-il trop d'ours dans les montagnes de Slovaquie? Parce que la question suscite une féroce bataille entre chasseurs et défenseurs des animaux, les autorités ont décidé de les compter.
"Des équipes iront sur le terrain faire des comptages visuels, des relevés d'empreintes et d'excréments, des analyses génétiques", explique, cartes à l'appui, Vladimir Antal, de l'Institut national de protection de la Nature (SOPSR) basé à Banska Bystrica.
Complété par un monitoring avec colliers GPS et caméras, le recensement qui va s'étaler sur trois-quatre ans pour un coût total de 140 millions de couronnes slovaques (plus de 4 millions d'euros), débouchera ensuite sur un "plan de gestion".
Car si on sait que la population des ours bruns double grosso modo tous les quinze ans, on ignore combien il en restait dans les années 30, lorsque la chasse fut interdite. Evaluer leur nombre actuel n'a rien d'arithmétique: "tout dépend des intérêts de celui qui compte", comme le dit Peter Visvader, le porte-parole du ministère de l'Environnement à Bratislava.
Les Fédérations de chasse avancent 1.200-1.400, les écologistes 400-600 et les autorités ont choisi la moyenne diplomatique de 700-900. Cette évaluation joue pour le quota de permis de chasse délivrés chaque année, au terme du système complexe en vigueur dans l'ancien pays communiste devenu membre de l'Union européenne. Entre 2000 et 2006, un total de 500 permis ont été délivrés et 194 ours finalement tués, selon les données officielles.
La guerre des chiffres porte aussi, et surtout, sur le nombre "idéal" d'ours pour ce pays à peine plus grand que la Suisse: les experts du SOPSR le fixent à 400-450 en divisant la surface de zones protégées (environ 13.000 km2) par le territoire jugé nécessaire par animal (entre 2.000 et 3.000 ha).
Ce calcul fait hurler les écologistes selon lesquels "la densité optimale n'est pas quantifiable puisqu'elle dépend de la qualité de l'environnement".
Au coeur du débat, repose l'avenir des ours slovaques, alors que, comme partout ailleurs, la pression humaine augmente, que les pays en quête de repeuplement sont rarissimes et que la plupart des zoos affichent complet. "Personne ne veut des ours", résume Vladimir Antal.
La probabilité de croiser un plantigrade dans les forêts sombres du massif des Tatras reste mince et de mémoire d'homme aucun incident n'a été mortel, mais depuis le début du mois, un garde chasse a été agressé par un mâle furieux, une famille a vu un animal affamé attaquer son chalet.
"Les ours sont devenus trop nombreux parce qu'ils n'ont pas de prédateurs naturels, ils descendent de plus en plus bas dans les vallées pour se nourrir, certains deviennent agressifs, ce n'est pas un programme de protection qu'il faut, mais un programme de régulation", assure Emil Rakyta, un garde forestier qui arpente depuis 40 ans les contreforts des Carpathes. Pour lui, "la chasse est la seule solution".
Pour l'association "Vlk", le fait que les permis se monnaient entre 80.000 et 100.000 couronnes (2.500 et 3.100 euros) n'est pas étranger à ce point de vue très répandu dans les Tatras.
"La chasse ne résoud rien: au lieu de tuer les ours, il faudrait créer de vrais sanctuaires où ils puissent vivre en toute tranquillité", assure Eric Balaz, un des militants de "Vlk".
Très virulent contre le "lobby chasseur", le mouvement attaque désormais en justice la validité des permis délivrés au titre de la "régulation" en les disant contraires à la législation européenne.
Moins radical, Robin Rigg, un chercheur écossais installé depuis dix ans en Slovaquie, pense que "comme l'espèce n'est plus menacée de disparition à court terme, il est contreproductif de braquer les chasseurs".
Pour lui, "la priorité est de limiter les situations de conflit", c'est à dire apprendre aux hommes à ne plus nourrir les ours, protéger les poubelles dans les villages de montagne, installer des clôtures électriques autour des élevages et des habitations, utiliser des vaporisateurs répulsifs en cas d'attaque. Dans cette optique, "compter les ours semble extrêmement secondaire".
Auteur: Sophie Pons
Source: Le Matin du 22 avril 2008
Les autorités slovaques ont décidé de compter les ours dans les montagnes du pays. Selon l'Institut national de protection de la nature (SOPSR), des comptages visuels, des relevés
d'empreintes et d'excréments et des analyses génétiques sont prévus dans ce plan complété par un monitoring avec colliers GPS et caméras. Un travail de trois ou quatre ans,
pour un coût de plus de quatre millions d'euros, qui débouchera sur un "plan de gestion".
Le nombre d'ours fait débat:
Les défenseurs de la chasse avancent le chiffre de 1.200 à 1.400 individus, les écologistes de 400 à 600 et les autorités de 700 à 900. La population des ours bruns double tous les
quinze ans et pour les habitants de ses montagnes la chasse est la seule solution pour contrôler leur nombre. Entre 2000 et 2006, 500 permis de chasse ont été délivrés et 194 ours
finalement tués.
Auteur: Abdul Azis Froutan
Source: Libération du 23 avril 2008