On le disait favorable à la présence de l'ours pour des raisons touristiques contrairement au précédent Syndic et pourtant...
Il lui aura fallu peu de temps pour évaluer la situation occasionnée par l'attaque de Hvala sur un chasseur et donner son avis sur la présence d'ours dans les Pyrénées et les
opérations d'introductions réalisées par la France. Une réaction claire, vive et efficace pour exiger le retrait de l'ours.
Aujourd'hui, Francès Boya s'exprime dans les colonnes du journal La Manyana. Nous proposons une traduction de la déclaration qu'il a faite le 1er novembre 2008.
Avant tout, et pour tous ceux qui cherchent toujours dans ce que l'on dit d'autres raisons que celles strictement liées aux convictions personnelles, je veux préciser que je ne suis ni chasseur, ni éleveur. Je ne parle donc pas dans la situation compréhensible d'une personne très agacée de voir son loisir de fin de semaine menacé, ou qui a vu ses brebis ou juments éventrées par l'ours.
La chronologie des faits et de la prise de décision du programme Life est une chronologie tissée de maladresses et de visions simplistes de la complexité, qui a mésestimé la réalité de toutes les Pyrénées pour satisfaire une opération politico-médiatique sans précédent. Une opération destinée à créer une image de sensibilité environnementaliste qui contraste avec les expériences nucléaires et autres projets peu explicables de la fin du XX° siècle.
L'ours est arrivé dans les Pyrénées sans aucun allié dans ce territoire: ni les administrations locales, ni la population en général n'ont vu de bon gré cette réintroduction. Les raisons sont multiples, elles vont des conséquences profondes dont les éleveurs ont souffert, activité déjà à l'agonie dans notre territoire, à la peur atavique d'un animal qui a toujours appartenu à un imaginaire où s'exprimait son combat avec l'homme, ou encore à la crainte d'un effet négatif sur le tourisme en général. A quoi il faut ajouter, et ce n'est pas le moindre, l'absence de mesures pour contrôler l'espèce de la part des administrations.
La réalité est pourtant assez éloquente: l'évolution des Pyrénées a radicalement changé les habitats sauvages de cette région. L'Aran en est un exemple frappant. Plus de 400
kilomètres de pistes forestières à travers vallées et montagnes, l'accès à ce milieu pour des centaines de milliers de personnes qui, sous différentes formes, jouissent de la
nature: ce sont là des évidences assez irréfutables. Penser que c'est là le milieu idéal pour une espèce qui a besoin de solitude et de grands espaces sauvages pour croître et se
développer, c'est une absurdité.
Réintroduire l'ours sur la base d'une opportunité politique, dans des zones déprimées du sud de la France, frontalières avec des vallées développées comme la nôtre, a été,
simplement, une manifestation d'opportunisme incompréhensible.
L'ours est devenu aujourd'hui une icône de l'incompréhension, une caricature qui exhibe sa lutte pour la survie dans une société, présentée comme primitive, ne sachant pas
apprécier la valeur de la diversité naturelle. Une vision qui pousse les classes dirigeantes à accepter n'importe quel projet pourvu qu'il ne contrarie pas l'opinion majoritaire
qui se meut à partir de la compassion, certes légitime et partagée par les habitants de cette région, pour cet animal si chèrement chéri.
La réalité est tout autre. Totalement différente et très nette.
Cette réalité montre que ce que nous faisons avec ce programme de réintroduction, c'est condamner l'ours à une situation de conflit permanent avec les communautés de montagnes qui
vivent avec beaucoup de difficulté, dans des équilibres démographiques très délicats, et avec leurs propres choix de développement économiques situés dans le tourisme comme
alternative ultime et désespérée.
Quelqu'un a décidé que l'ours devait sortir des bois slovènes pour arriver dans les Pyrénées, cela montre bien à quel point ces décisions sont injustes pour les Pyrénées, et pour
l'ours en particulier. L'histoire de l'ours Balou dans les vallées voisines de l'Ariège est un exemple de cette tragédie. Avec un coup de feu à la patte droite, et un collier
(outil destiné à le contrôler) qui l'asphyxiera inévitablement dans quelques mois, il montre comment l'orgueil de l'homme peut conduire à des situations d'une stupidité ignorante.
Les ours slovènes ont leur habitat chez eux, pas dans les Pyrénées. Et les Pyrénées ne peuvent revenir à la situation d'il y a 100 ans quand elles avaient une population stable d'ours, à moins d'envisager un exode massif de leurs habitants, remplacés par les ours. Les administrations travaillent pour que cela ne se produise pas, du moins celles qui comme nous ont la responsabilité d'un territoire. Elles le font avec beaucoup de difficultés, et sans toujours obtenir les résultats voulus.
Peut-être l'heure est-elle venue de cesser de regarder la réalité pyrénéenne depuis les lointains bureaux métropolitains, et de dépasser les visions irréelles et fausses de "Pyrénées de fin de semaine". L'heure d'être juste avec les Pyrénées et juste avec les ours, de placer au centre de nos préoccupations leurs habitants qui aujourd'hui encore n'ont pas tous les avantages des autres, qui n'ont aucune garantie d'équité dans l'accès aux services publics, et, en même temps, l'heure de laisser vivre les ours dans un espace où ils puissent le faire avec dignité, sans collier qui les étouffe ni coup de feu qui les persécute.
Ne masquons pas notre mauvaise conscience sous une photo médiatique et une image bucolique. Soyons cohérents avec la vérité, et honnêtes avec les ours comme avec notre territoire.
Francès Boya, Syndic d'Aran
Source: La Manyana - Lerida 1° novembre 2008
Traduction: B.Besche-Commenge ASPAP/ADDIP