Le maire continue à soutenir ses chèvres sauvages contre les volonté d’extermination de l’administration et du Préfet de l’Ariège.
Ce soir, les derniers rayons de soleil révèlent les contrastes de gris et de rouge brun du Sédour. En ces instant, des souvenirs, des émotions et aussi des angoisses m'envahissent tant il est vrai que chaque rocher a sa vie, son histoire.
Cette histoire est aussi personnelle parfois et, à l'image de ce que chacun de nous a vécu là en escalade, dans les diverses voies ou en randonnée. Oui, en cet instant encore l'odeur du calcaire chaud, de l'ail sauvage écrasé par des prises de mains, ces essences de lumières des arbustes qui souffrent au soleil et au froid me reviennent en mémoire et réveillent mes sens.
Mais il est là aussi une richesse, un animal qui a retrouvé sa vie sauvage après avoir été pourtant domestiqué. N'est-il pas rassurant que les chèvres aient retrouvé cette capacité après leur asservissement par l'homme? Hélas! voilà, elles s'appellent chèvres et non isards et dès lors même dans leur nouveau «statut de chèvres sauvages» elles doivent passer par nos législations dans lesquelles l'affectif, la beauté et l'émotion n'ont pas cours. Elles s'inscrivent pourtant aujourd'hui comme nos belles forêts de mélèze à Goulier, dans la propriété affective de tout un chacun et ces animaux sauvages appartiennent dès lors à tous les habitants de la terre.
Notre jeunesse dans les villages a été souvent marquée par la présence des chèvres que nous gardions avec nos grands-parents et quel bonheur lorsque au retour du pâturage, avant d'aller seules au râtelier de la grande, elles rentraient, fringantes, dans la maison en se dressant devant le pot à sel.
Non, ce n'est pas possible, les textes et quelques raisons futiles ne nous priverons pas de vous et l'on empêchera votre disparition brutale. Montrons que les citoyens que nous sommes, tant rappelés à leurs devoirs en ces périodes électives, savent s'engager pour la défense des plus faibles d'entre nous certes, dans la non exclusion mais aussi pour des animaux sans défense, qui ne peuvent même pas eux crier leur innocence et leur volonté de vivre, eux qui par ailleurs ne sauraient nous faire du mal.
Chèvres du Sédour, nos amies, nous adresserons des pétitions de soutien à M. le maire de Surba qui prend votre défense, nous expliquerons aux autorités départementales et nationales notre grande affectation pour vous et nous donnerons à M. le préfet des arguments qui le conforterons, j'en suis certain, dans ses sentiments profonds et personnels, ceux de vous laisser vivre.
Pardon chèvre, voyez, par déformation, je vous parlais, hélas! comme des administrées!
Tchoutos, tchoutos bien aimées, chèvres de notre enfance, vivez tranquilles. Egayez longtemps les rochers et les sentes et lorsque au détour d'un chemin vous nous rencontrerez, votre regard énigmatique sera pour nous un grand bonheur. Mais, de grâce, ne vous laissez pas trop approcher ou caresser, fuyez, fuyez, nous aimerons autant. Et ce soir, sous la lune, dansez, dansez encore dans la douce musique de la montagne car vous n'êtes plus seules... Autour du Sédour nous veillerons.
Claude Téron, maire de Goulier.
Extrait de la Dépêche du Midi du 5 avril 2002