Malgré les interventions de Brigitte Bardot et les efforts du maire de Surba et de sa population, les deux premières chèvres ont été abattues.
L'histoire commence comme un conte d'Alphonse Daudet. Et lorsque c'est le maire de Surba, Firmin Hachaguer qui la raconte, on y retrouve même une pointe du lyrisme qui fit le succès de l'hôte du moulin.
Autre coïncidence: les faits se déroulent près de Tarascon. Sur Ariège, d'accord. Mais avec, là encore, des Tartarin en quête de gibier...
Et comme dans les contes, il y a une bonne fée, en la personne de Brigitte Bardot, qui veut venir au secours
des biquettes...
Nous sommes à Surba. C'est une commune de 500 habitants acollée au massif du Sédour: «Un vrai gruyère, indique Firmin Hacheguer. autrefois, il y avait des mines de gypse, et il
reste un peu partout des galeries...»
Dans ce pays vivait autrefois un éleveur, qui ne s'appelait pas monsieur Seguin, mais monsieur Baby. Ses bêtes étaient tout aussi capricieuses...
"Il avait mis ses chèvres à paître, en altitude, mais il n'a jamais pu les récupérer!"
Et voici comment, depuis des années, un troupeau de biquettes, revenu à l'état sauvage, hante les hauteurs du Sédour. Elles se nourrissent d'espinasse et de genêts. Et ne sont inquiétées par aucun grand méchant loup. Elles n'en profitent pas pour proliférer car la hiérarchie du troupeau est sous la coupe de boucs qui se livrent d'impitoyables combats: voilà qui limite les naissances.
"Elles ne gênent personne, et même, elles nous débroussaillent la montagne!" assure Firmin. Il n'y a plus de méchant loup aujourd'hui, mais il y a encore l'administration! Le 30 mars 1999, le vétérinaire inspecteur chef écrit au maire, et lui intime l'ordre de procéder à l'élimination définitive des chèvres.
Depuis, l'histoire quitte le registre d'Alphonse Daudet, pour prendre celui de Courteline: échanges de courrier entre le maire et la préfecture de l'Ariège. Firmin Hachaguer répète qu'il ne voit pas pourquoi on éliminerait des chèvres qui ne dérangent personne hormis les ronces et les buissons. Et on lui réponde qu'il faut respecter les règlements sanitaires: "Il y a une législation très précise pour les animaux domestiques, explique Renaud Vedel, le secrétaire général de la Préfecture de l'Ariège. L'arrêté concernant ces chèvres a été pris l'année dernière, en pleine épizootie de fièvre aphteuse, et sur fond d'ESB. Ces animaux, qui ont été abandonnées, ne sont pas suivis sanitairement. Et sont donc susceptibles de propager des maladies."
Deux chèvres ont déjà été abattues. Au grand dam de Firmin. Un vétérinaire a examiné les cadavres: il n'y avait pas de traces d'affections inquiétantes.
"Sans doute, reconnaît Renaud Vedel, mais le risque demeure. De plus, on nous a signalé que des boucs avaient attaqué des promeneurs... Vous comprendrez que notre but n'est pas de massacrer ces animaux, mais on ne peut pas prendre de risques... "
L'abattage sera poursuivi en vertu du principe de précautions. Elles vont payer bien chère leur liberté, les petites chèvres du Sédour...
Dominique Delpiroux
Source: Extrait de la Dépêche du Midi du 5 février 2002