La chèvre domestique est le reflet de la révolution néolithique
Les chèvres domestiques ont contribué à l'apogée de la "révolution Néolithique", cette période de l'histoire de l'humanité où les hommes ont cessé de ne vivre que de chasse et de cueillette pour se sédentariser et mettre en place l'agriculture. Parmi les premiers animaux domestiqués, les chèvres se différencient des autres espèces d'élevage par une forte homogénéité génétique à l'échelle mondiale. Des archéologues et des généticiens du laboratoire d'Ecologie alpine (CNRS, Université Grenoble I, Muséum National d'Histoire Naturelle) et de l'équipe de paléontologie du laboratoire de Biologie moléculaire de la cellule (ENS de Lyon) viennent de montrer que les déplacements des chèvres domestiques ont commencé dès l'expansion de l'élevage, du Proche Orient vers l'Europe, il y a 10.500 ans environ.
Les chèvres ont été les principaux animaux domestiqués, il y a environ 10 500 ans, au Proche-Orient. Contrairement à d'autres espèces de bétail, les chèvres actuelles présentent une très faible variabilité génétique intercontinentale. L'étude de leur ADN révèle en effet des séquences identiques chez des animaux appartenant à des régions du globe très éloignées les unes des autres. Ce n'est pas le cas, par exemple, chez la vache ou le mouton, dont les différences génétiques sont marquées entre les populations européennes, asiatiques ou africaines. Cette grande homogénéité est le signe d'un échange de gènes importants. Autrement dit, les chèvres domestiques ont beaucoup bougé au cours de l'histoire de l'humanité. Cependant, la date de ces déplacements demeurait inconnue jusqu'à aujourd'hui. Il devait s'agir d'une période caractérisée par de grands mouvements de population. Peut-être donc au temps de l'empire Mongol, ou Romain?
Une équipe interdisciplinaire composée d'archéologues et de généticiens du laboratoire d'Ecologie alpine (CNRS, Université Grenoble I, Muséum National d'Histoire Naturelle) et de l'équipe de paléontologie du laboratoire de Biologie moléculaire de la cellule (ENS de Lyon) vient de montrer que ce mélange existait déjà il y a plus de 7.000 ans, au Néolithique, au début de la domestication du bétail. Cette conclusion découle de l'analyse de 24 échantillons d'os de chèvre provenant d'une grotte située sur le site néolithique de Baume d'Oullen, en Ardèche. Cet endroit, éloigné des zones initiales de domestication au Proche Orient, fait partie des lieux où l'agriculture est arrivée en Europe. L'analyse de l'ADN mitochondrial de ces os indique que deux lignées de chèvres étaient déjà présentes au Néolithique. Or, les théories de génétique des populations prédisent que, lorsque deux lignées mitochondriales coexistent dans une population, l'une finit par disparaître au profit de l'autre, à moins que la taille de la population ne soit très importante. Ceci laisse supposer que de nombreux et fréquents échanges de chèvres se sont produits à cette période, expliquant l'homogénéité génétique constatée. Il est probable que les chèvres aient joué un rôle important lors de la diffusion de l'agriculture, et qu'elles se soient souvent déplacées sur de longues distances avec les premiers agriculteurs.
Divergent mtDNA lineages of goats in an Early Neolithic site, far from the initial domestication areas. H. Fernandez et al. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America. 10 octobre 2006.
Auteur: Christophe Casalegno
Source: InteLink du 10 mars 2007